Passer la quarantaine dans sa voiture

Passer la quarantaine dans sa voiture

Je travaille dans un restaurant. Il y a deux semaines, lundi 9 mars, un de mes collègues était malade au boulot. Le lendemain, je l’ai appelé. Il m’a dit qu’il avait « la grippe ». A partir de ce moment-là, j’ai eu peur. Je me suis dit que je devais éviter tout contact avec des personnes avant de faire le test du coronavirus. J’ai dormi cette nuit-là, mardi, dans ma voiture.

Ce témoignage a été recueilli par téléphone le 23 mars 2020.

Mercredi matin, je me suis rendu à l’hôpital pour me faire tester. J’ai expliqué au docteur que j’habitais chez un ami. Il m’a demandé de rester à la maison jusqu’à ce que je reçoive le résultat. Je lui expliqué que je n’avais pas de maison, que j’habitais chez quelqu’un. Je me suis dit : « Si je suis positif, je ne peux pas aller là-bas ! ».

J’ai dit au médecin que j’allais dormir de ma voiture. Il m’a dit : « Ne vous inquiétez pas, je vais trouver une solution». Mercredi soir, j’ai à nouveau dormi dans ma voiture.

Jeudi 12 mars, j’ai appelé mon assistante sociale de l’Hospice générale. J’ai un permis F. Comme je travaille, je ne reçois pas d’aide. Mais ce jour-là, comme je n’avais pas le choix, j’avais besoin d’aide, je l’ai appelé. Et je lui ai dit que j’avais peut-être le coronavirus, que comme j’habitais chez quelqu’un je n’osais pas y retourner et que je dormais en ce moment dans ma voiture. J’ai lui ai expliqué que si je me rendais quelque part, je pouvais transmettre le coronavirus. Mon assistante m’a dit : « Il faut que tu ailles en France, dans un hôtel. » Je lui ai répondu que si j’allais dans un hôtel, j’avertirais que j’avais peut-être le coronavirus. Elle voulait que je ne dise rien, que je ne l’annonce pas à l’hôtel ! Je ne voulais pas faire ça, ce n’est pas correct ! Elle m’a aussi dit d’aller en France parce que l’hôtel y est moins cher. C’est moi qui aurait payé la facture. Mais mes papiers ne me permettent pas de sortir de Suisse ! C’est mon assistante sociale qui m’a dit ça ! Après elle m’a dit qu’elle ne pouvait rien faire de plus pour moi. Du coup, je suis resté jusqu’au samedi 14 mars dans ma voiture. Durant cinq jours, j’ai dormi dans ma voiture. Finalement, dimanche, ce sont les pompiers qui m’ont trouvé un lieu : un abri de la protection civile.

« Ils m’ont juste dit: Restez chez vous et restez seul. »

 

Le vendredi 13 mars, l’hôpital m’a appelé pour me dire que j’étais positif.

J’ai appelé chaque jour l’hôpital : « Est-ce que vous pouvez me trouver un endroit où dormir ? Je ne peux pas sortir, je suis positif au coronavirus. » On me répondait : « On ne peut rien faire. » Mon assistante sociale disait : « On ne peut rien faire. » Personne ne pouvait rien faire.

J’appelais tous les jours à l’hôpital. Dimanche, les médecins m’ont finalement envoyé vers les pompiers. J’ai appelé les pompiers qui m’ont dit : « On va s’occuper de votre situation. »

Dimanche 15 mars au soir, ils m’ont donné l’adresse d’un abri de la protection civile. Ils ont ouvert ce lieu qui était vide pour moi. Je m’y suis rendu et j’y dors depuis dimanche dernier, depuis plus d’une semaine. Les pompiers m’ont juste dit de dormir à l’intérieur et m’ont amené à manger. Un autre homme, comme moi atteint du coronavirus, a aussi dormi là-bas avec moi. Ils fermaient derrière nous. On ne pouvait pas sortir. Nous on ne voulait pas sortir. Ils nous ont amené de la nourriture trois fois par jour. Durant une semaine, on n’est pas sorti.

J’ai passé une semaine dans ma voiture et une semaine dans cet abri de la protection civile. Normalement je dois quitter ce lieu aujourd’hui. Le docteur m’a donné un arrêt maladie jusqu’au 22 mars. J’ai encore appelé mon assistante sociale aujourd’hui. Je lui ai expliqué que l’ami qui me laisse habiter chez lui ne veut pas que j’y retourne encore parce qu’il n’est pas sûr que je ne sois plus contagieux. L’assistante sociale m’a redit qu’elle ne peut rien faire. La seule chose qu’elle m’a proposé c’est d’aller dormir dans un autre abri de protection civile avec 40 ou 50 personnes. Je n’ai pas refait de test pour savoir si je ne suis plus porteur du coronavirus. J’ai appelé le docteur mais il m’a dit qu’ils ne faisaient pas de deuxième test. Il m’a dit que je pouvais sortir. Mais il m’a quand même dit que je devais faire attention de ne pas être proche de gens pendant 20 jours. Et l’assistante sociale voulait m’envoyer dans un endroit où autant de personnes vivent ! Je suis resté une semaine dans ma voiture, exprès pour ne pas approcher des gens. Ce soir, je vais rester encore dans cet abri de protection civile vide. J’ai dit que je toussais. Je ne veux pas aller dans l’autre abri rempli de personnes. Les pompiers n’ont rien dit pour l’instant.

L’hospice et l’hôpital n’ont rien organisé pour moi. Je n’ai pas compris. Ils m’ont laissé dehors. Ils savaient que j’étais positif et que je n’avais pas d’endroit où aller. Ils m’ont laissé comme ça. Ils m’ont juste dit : « Restez chez vous et restez seul».

Si je ne faisais pas attention, imaginez ! Pendant les jours passés dans ma voiture, je n’ai pas mangé. Je n’avais même pas reçu de masque. Je ne voulais pas aller à la Migros, je savais que j’étais positif. Je n’ai rien mangé. Si j’avais approché d’une personne âgée ou d’une personne malade, j’aurais pu tuer quelqu’un.

Mercredi 25 mars, au téléphone, il raconte encore :

Mon assistante m’a appelé aujourd’hui pour me dire à nouveau que je devais aller dormir dans l’abri de la protection civile où dorment une quarantaine d’autres personnes. Alors que je ne sais pas si je suis toujours contagieux ? Je me sens mieux mais je ne sais pas. Elle veut m’envoyer dans un endroit où il y a 40 personnes !

De toute façon, l’abri collectif que mon assistante me propose, c’est une solution uniquement pour la nuit. La journée, ils s’en fichent! Qu’est-ce que je vais faire toute la journée ? Je vais rester dehors ? Pour fuir le froid, je n’aurai pas d’autre choix que de me réfugier dans ma voiture. Tout est fermé.

Cette nuit encore, je peux dormir dans l’abri de la protection civile vide où je dors depuis plus d’une semaine. Mais demain je dois aller me présenter à 19h dans l’autre abri où dorment beaucoup d’autres personnes. Je ne veux pas y aller. Je ne veux pas encore être au contact d’autres gens. Je ne suis pas encore sûr que je ne peux pas transmettre le virus !

Je n’ai jamais demandé d’argent à l’Hospice. Je travaille et je paye mes assurances et mon loyer moi-même. La seule chose que je demande en ce moment c’est de m’aider dans cette situation du coronavirus. L’unique chose que je demande à l’Hospice c’est un endroit pour cette période difficile à passer! Et eux, ils ne veulent pas m’aider! Leur seule proposition, c’est un abri de la protection civile rempli de gens.

Jeudi 26 mars, au téléphone, il raconte encore :

N’ayant toujours pas trouvé de solution, je vais dormir à nouveau dans ma voiture cette nuit….

Une infirmière avec les mineurs en exil

Une infirmière avec les mineurs en exil

Tout a commencé à l’occupation du Grütli. Le 13 janvier 2020, quand j’ai appris qu’il y avait cette occupation, j’y suis allée et j’ai rencontré des MNA, des mineurs non accompagnés qui devraient être pris en charge par le SPMI, le Service de protection des mineurs. J’ai été extrêmement frappée par la mauvaise santé de ces jeunes. Ils montraient vraiment des signes de détresse terrible. Je découvrais que plusieurs d’entre eux avaient fait des tentatives de suicide. Certains avaient des attelles qui masquaient les blessures volontaires faites avec une lame. On sentait un désespoir et une tristesse qui n’étaient pas nommés. Mais les jeunes étaient là, malgré toute la difficulté que représentait leur situation.

Témoignage sur l’accès à la santé des jeunes MNA recueilli par téléphone le 19 mars 2020.

« Parmi les professionnels, très peu percevaient que ces jeunes souffraient. »

Ils m’ont identifiée comme soignante grâce à la première occupation, parce qu’un des hommes présent à cette époque leur a parlé, en arabe. Je ne sais pas ce qu’il leur a raconté. Mais tout de suite après, le jour même, ils sont venus vers moi pour me demander soit des médicaments, soit de l’aide. Avec par moment, des cris de désespoirs, comme ceux d’un jeune asthmatique, par exemple. Il y avait des problèmes d’infection urinaire, d’asthme, de gale, d’épilepsie et une fracture de la racine des dents ; et beaucoup de petits problèmes, comme des maux de tête, de dents ou autres.

Je dois dire que cette occupation du Grütli a été beaucoup plus éprouvante pour moi que la précédente, il y a 4 ans. Parce que les ados, ce sont vraiment des ados quoi. On peut les aider à obtenir les médicaments dont ils ont besoin. Comme le petit qui avait de l’asthme, il était tellement soulagé qu’il s’est jeté dans mes bras et qu’il a pleuré. Il a pleuré comme un enfant. Pourquoi ? Je ne l’ai jamais su. Il n’a jamais pu parler. C’est très violent cette histoire. Ce petit-là, il a disparu. Je ne sais pas ce qui lui est arrivé.

A partir de ce moment, j’en ai amené quelques uns à l’hôpital. Très vite, je me suis aperçue que ces jeunes faisaient peur. Une femme médecin m’a confié qu’elle avait peur d’eux. Une infirmière m’a aussi demandé comment je faisais. Quand une médecin vient exprimer cette crainte, elle le fait gentiment, même si elle a peur. Mais je trouve plus honnête de le dire, que d’être agressive ou de les envoyer paître. Ce n’est pas facile pour les soignants s’ils ont peur…

De plus, ces jeunes sont souvent catégorisés comme étant des menteurs. On leur oppose tout de suite qu’ils sont plus vieux que ce qu’ils affirment ; alors que certains ont des papiers quand même, où ils peuvent prouver qu’ils ont 15 ans, 17 ans. Et le problème n’est pas leur âge !

On se trouve avec certains jeunes qui ont certainement des problématiques d’ados. L’un dit qu’il ne sait pas quoi faire, qu’il aimerait travailler comme ferblantier, mais il n’est pas reconnu. Il n’a pas de débouché pour trouver du travail, une école ou un apprentissage. C’est assez désespérant.

« Quelle vision on a des ces jeunes ? Qu’est-ce qu’on leur offre ? On leur montre la peur qu’ils inspirent et ils le ressentent très fort. »

Enfin, ils sont souvent taxés de polytoxicomanes. Alors que si ceux que j’ai rencontrés fument parfois des joints, tous ne prennent pas des drogues dures. Ça devient très compliqué pour eux de faire valoir qui ils sont. On ne les respecte pas. C’est faire fi de leur souffrance à ces jeunes, de les mettre uniquement dans la case « toxicomanie ». Un petit gars avec qui j’étais en route pour l’hôpital a croisé des connaissances qui lui ont proposé de fumer un joint. Il m’a interrogée : « Je peux ? ». « Si tu me le demandes, je vais te répondre non ; mais tu es assez grand, tu fais ce que tu veux », j’ai répondu. Il m’a dit : « T’as raison. » Il est resté avec moi ne m’a pas quittée jusqu’au soir. Donc je sais qu’il n’a pas fumé. On prétend quand même qu’il est toxicomane. Il confie que quand il fume un joint le soir ou par moment, ça le détend. Ils ont de telles vies ! Je ne suis pas en train de nier que de la drogue circule, mais je peux comprendre que quand ils n’ont pas à manger, ça calme aussi. A part le shit, le petit gars m’a dit qu’il avait arrêté et l’alcool et les drogues dures depuis longtemps. Et lui, il ne prenait pas de médicaments.

Quelle vision on a des ces jeunes ? Qu’est-ce qu’on leur offre ? On leur montre la peur qu’ils inspirent et ils le ressentent très fort. Un événement illustre cela : lorsque les jeunes MNA ont été accompagnés au SPMI à la fin de l’occupation du Grütli, des voitures de police ont tout de suite rappliqué avec leur sirène autour du bâtiment. J’ai été surprise, d’autant que la Ville avait promis de ne pas appeler la police, à moins d’événements graves. Et les jeunes s’étaient tranquillisés. Il faut savoir qu’ils craignent la police, et aussi les gens qui ont peur d’eux…

Après l’occupation

Un matin à 8h, je suis allée chercher un jeune à l’hôtel où il avait été logé par le SPMI. Un petit jeune qui avait la gale. Je lui ai dit : « Viens, lève-toi, il faut qu’on aille à l’hôpital, aux urgences. » C’était vraiment l’ado qui répondait : « Mais… je veux dormir ! » « Non allez, tu te lèves.. », j’ai insisté. « Non, après! », il a encore essayé. Puis, il s’est levé et je lui ai demandé : « Tu prends un petit déjeuner ? » Il a dit : « Non ». Je lui ai conseillé de se nourrir : « Écoute on sera à l’hôpital à 8h30, mais je ne sais pas combien de temps ça va durer pour qu’on voie un médecin, pour qu’on puisse te donner un traitement. Mange quelque chose. » Alors il a pris une banane. J’ai pensé : c’est toujours ça dans son estomac. Nous sommes partis et le réceptionniste de l’hôtel nous a rattrapés : « Ah non, non, non, il n’a pas droit à un fruit ! S’il veut un fruit, il doit payer ! Il faut qu’il paye sa banane 1.-. » Finalement, le gars a lâché : « Bon, ça ira pour cette fois. » Et nous avons pu partir avec la banane.

Effectivement, nous sommes arrivés à l’hôpital à 8h30 et en sommes sortis à 18h. Parce qu’on te donne un ticket et qu’il faut attendre ton tour ; il y a tellement de monde à l’hôpital. On lui a diagnostiqué la gale, comme à plusieurs de ces jeunes. D’ailleurs, j’ai constaté qu’il y avait un problème de santé publique. Ce qui aurait dû être fait ? Ceux ayant la gale auraient dû pouvoir rester à l’hôtel où ils dormaient pendant le traitement ; ensuite, une fois traités, on aurait pu éventuellement les changer de lieux et désinfecter les chambres. Au lieu de cela, ils ont dû aller dormir dans des sleep-in. Après avoir été diagnostiqués, le SPMI en a sorti certains de l’hôtel pour les mettre dans des dortoirs communs ! Tu augmentes le risque de transmission en agissant de cette manière. C’est une maladie transmissible, par contact. Le traitement devrait se passer ainsi : tu prends tes pilules le matin ; 8h après tu te douches, tu laves tes cheveux, tout ton corps et ton linge, et tu reprends quatre pilules. Donc il faut des produits pour se nettoyer, puis mettre des habits qui n’ont pas été en contact avec la maladie. Les habits propres, nous les avons obtenus grâce à un bon donné par le CSP.

« Qu’est-ce qu’ils attendent en venant ici ? J’ai vu des jeunes détruits. Est-ce qu’ils étaient déjà détruits dans leur pays ? Je ne sais pas. »

Un jeune a fait des chutes. Il disait qu’il était épileptique, qu’au pays il prenait des médicaments contre l’épilepsie. Depuis mi-janvier, il n’avait toujours pas été diagnostiqué. On ne savait pas. Il devait aller consulter dans deux semaines en neurologie. Malheureusement, j’ai peur qu’entre-temps on l’aie perdu. Je ne l’ai pas revu. Il y a une lenteur impressionnante dans les soins pour cette population. La médecine est fractionnée. Quand tu amènes quelqu’un comme ça aux urgences, on va te dire : « C’est possible que ce soit une gale, mais peut-être pas. Il faut donc revenir la semaine prochaine à telle heure, tel jour, à la permanence de dermatologie pour confirmer le diagnostic. » Tu as déjà perdu une semaine. Ils ont des doutes sur le diagnostic. Il y a toute une machine, des directives, une médecine parcellaire… Ce ne sont pas des médecins généralistes, ils procèdent par spécialité. Ensuite seulement, on te donnera les médicaments et vu les conditions dans lesquelles vivent ces jeunes… Plusieurs d’entre eux, on ne sait pas s’ils ont pu soigner leur gale.

J’ai trouvé que parmi les professionnels, très peu percevaient que ces jeunes souffraient. Quand ils sont agressifs, c’est souvent parce qu’ils ont faim ! Et comme ils ne reçoivent rien à manger… En même temps, moi je les trouve assez passifs ; de temps à autre, il y en a un qui pète les plombs mais très vite, il se calme. Les problèmes de santé, la nourriture en insuffisance, les liens avec ces jeunes ne sont pas assez discutés dans le milieu médico-social. On évoque le fait que ce sont des Algériens. C’est vrai… Mais pourquoi ? Ce serait intéressant de savoir pourquoi. Qu’est-ce qui se passe… Certains dorment dans des salons lavoir et d’autres dans des sleep-in. Ils ne se sentent pas bien ; ils ont peur la nuit, parce qu’il y a parfois des violences. Ils ne se sentent pas en sécurité. Parlons de leurs besoins : des lieux où dormir mais aussi où vivre, une sécurité alimentaire, des soins et être scolarisés ; eux, ils en causent tout le temps de l’école. Je pense qu’ils auraient besoin d’avoir un foyer, de pouvoir raconter leur histoire.

Qu’est-ce qu’ils attendent en venant ici ? J’ai vu des jeunes détruits. Est-ce qu’ils étaient déjà détruits dans leur pays ? Je ne sais pas. L’un d’eux m’a expliqué qu’il n’avait plus peur de rien depuis qu’il a fait la traversée de la Méditerranée dans un petit bateau.

Il y en a qui parlent très mal le français, parce qu’ils ont vécu dans la campagne en Algérie et ne sont pas allés à l’école. Ils sont démunis. Il faut maîtriser la langue pour se faire comprendre et se débrouiller. Les médecins leur prescrivent des antibiotiques, par exemple, sans expliquer où ils peuvent les obtenir. Ces jeunes, qui sont des mineurs non accompagnés, n’ont pas d’adresse, pas d’argent, pas d’assurance maladie. Le médecin doit mettre un signe sur l’ordonnance, les envoyer à la pharmacie du cœur qui se trouve dans un autre bâtiment de l’hôpital. Là, une infirmière leur donne le médicament, mais si l’hôpital ne l’a pas, il faut aller à la pharmacie Bedat, en face de la rue Voltaire, pendant les heures d’ouverture. Lorsqu’on les accompagne dans les différentes phases, ils réussissent à obtenir les médicaments. Mais beaucoup de jeunes, qui vont seuls à l’hôpital, en sortent seulement avec des ordonnances. Certains disent qu’ils en ont marre, ils sont découragés et j’en ai vu plusieurs qui n’arrivaient pas à obtenir de traitement. Mon expérience est que si on ne les accompagne pas, on n’arrive pas toujours à les soigner, ni même à comprendre ce qui leur arrive.

« Nous avons signalé le problème au SPMI : vu son état dentaire, il ne pouvait pas manger de sandwich. On nous a répondu que son certificat médical était échu, mais que de toute façon il recevait des repas hachés. »

Il y a aussi ces phrases que j’ai entendues : « Si vous croyez que votre malheur m’intéresse, vous vous trompez ! », prononcées par des gens qui se prétendent professionnels, qui ont une mission de santé. Parfois, à l’hôpital, il m’est arrivé de demander si le médecin ne pouvait pas mettre directement le tampon de la pharmacie du cœur permettant d’obtenir ainsi les médicaments gratuitement, et qu’on me réponde : « Vous n’avez qu’à les payer vous, les médicaments ! » Je sais pourtant qu’ils y ont droit… Je suis têtue.

Par contre, il y a des services où le personnel est sensibilisé à cette problématique comme la CAMSCO où, avec toutes leurs difficultés, les patients sans statut légal sont reçus par des infirmières et des docteurs qui les écoutent. Et ça change beaucoup la prise en charge. La difficulté à la CAMSCO est qu’ils prennent seulement 30 personnes par jour. Tu dois aussi attendre. L’infirmière fait un pré-diagnostic et soit ils peuvent te soigner sur place, soit ils t’envoient à l’hôpital. J’ai trouvé qu’il y avait beaucoup de respect, par rapport au personnel soignant. Du respect et un bon accueil. Certains parmi les professionnels sont nerveux, c’est normal, mais ils n’instaurent pas tout de suite un rapport de force. Ce respect semble aussi insufflé par le médecin chef. Les soignants peuvent peut-être exprimer quand ils en ont marre. De plus, des analyses se font : si une situation avec des jeunes se révèle difficile, c’est parce que ces derniers souffrent et non pas parce que ce sont des voleurs, des profiteurs, des toxicos. Ils pratiquent une médecine plus humaine.

Depuis que le coronavirus s’est déclaré

 

Il y a quelques jours, je me suis inquiétée pour un jeune qui a les dents cassées suite à une agression subie début janvier 2020. Je l’ai appelé vers 23h. Il m’a dit qu’il avait faim, qu’il n’avait pas mangé. J’ai eu de la peine à déterminer depuis quand ? Depuis le matin de bonne heure, depuis le petit déjeuner à l’hôtel où il est logé. Je me suis renseignée sur les directives, parce qu’il y en a toujours de nouvelles. On m’a affirmé qu’ils avaient droit au petit-déjeuner, ainsi qu’à deux sandwichs par jour pendant la semaine et 30.- de bons Migros le week-end ; je ne sais pas ce qu’on peut faire avec si peu ! Mais ce sont les nouvelles normes parce qu’avant, ils avaient seulement les petits-déjeuners. A 23h, il n’avait quand même pas mangé. Le petit gars m’a dit qu’il avait faim et je n’aurais pas supporté de lui répondre : « On verra demain ! » J’avais justement acheté pour lui des lasagnes et des boissons protéinées en pensant : quand il ne peut pas manger, au moins qu’il ait ça. Je les lui ai apportées à l’hôtel.

Nous avons signalé le problème au SPMI : vu son état dentaire, il ne pouvait pas manger de sandwich. On nous a répondu que son certificat médical était échu, mais que de toute façon il recevait des repas hachés. Alors nous lui avons demandé de photographier son repas et à midi, il a effectivement reçu des nouilles qu’il pouvait avaler, mais le soir…. à nouveau un sandwich ! Donc l’observation par le SMPI de leur situation est faite du bout des lèvres… On sent le mépris ! Évidemment, on va te rétorquer tout de suite qu’il n’a pas exprimé correctement sa demande. Et comme il y a un problème de langue avec lui – parce qu’il ne parle pas le français – c’est un peu plus difficile. Finalement, c’est un médecin d’une association qui est intervenu en faveur de ce jeune.

Actuellement, des lieux d’accueil de nuit s’ouvrent à cause du coronavirus, mais pas parce que la situation des gens est problématique. C’est pour lutter contre la contamination… Ça provoque des situations dramatiques, car ces lieux sont ouverts de 21h environ jusqu’à 7h du matin. Et là journée, ils vont où ? Dans la rue ? Il n’ont même plus la ressource de pouvoir se tenir au chaud à Globus, à la Placette ou dans un autre magasin. Tout est fermé à cause de l’épidémie. Alors on les laisse à la rue. Je ne comprends pas.

Le jeune à qui j’ai apporté à manger, à minuit, quand il m’a vue avec la nourriture, il m’a sauté dessus, il m’a pris dans les bras et m’a embrassé le sommet de la tête. Ah ! J’ai réalisé qu’il n’était pas au courant… Ce qui me fait dire qu’on devrait les rassembler et leur donner une information médicale structurée, avec traduction, sur le coronavirus et ce qui se passe actuellement. Je suis sûre que certains ne comprennent pas la situation. Le petit jeune ne sait pas pourquoi on ne doit pas m’embrasser. C’est une population délaissée…

 

 

 

« Faire au mieux » dans les Établissements publics pour l’intégration

« Faire au mieux » dans les Établissements publics pour l’intégration

Je suis éducateur. Je travaille aux EPI, les Établissements publics pour l’intégration, dans une résidence et je m’occupe d’adultes avec des troubles psychiatriques et des troubles du comportement associés. Je m’occupe de les accompagner dans les gestes de la vie quotidienne. Et, en même temps, je poursuis avec eux des objectifs d’apprentissage visant à atteindre un certain degré d’autonomie.

Ce témoignage a été recueilli par téléphone le 20 mars 2020.

« Il n’y personne qui a le courage de prendre les bonnes décisions. »

On parle beaucoup d’autonomie dans mon métier. C’est ce que j’essaye de faire avec ces personnes-là, l’apprentissage de l’autonomie au jour le jour, dans les gestes quotidiens, dans les petits soins de base. Cela peut aller d’apprendre à lire et à écrire, à savoir comment demander les choses, comment se comporter dans des situations de la vie sociale. Il arrive aussi que certaines personnes n’aient pas forcément les notions d’hygiène de base : hygiène intime, dentaire, les oreilles, la peau, les cheveux … Il s’agit de leur faire comprendre les risques d’une mauvaise hygiène pour la santé.

En étant éducateur, on a une proximité physique. On est chez eux, à leur domicile officiel. On est là pour leur toilette, pour s’occuper d’eux dans leur chambre. S’il le faut, on fait « la petite toilette ». On prend le gant de toilette et s’il faut essuyer des fesses, on le fait. S’il faut nettoyer la chambre parce qu’ils ont uriné dedans, on le fait. S’il faut changer les alèses, les nourrir, préparer à manger, on est là. Donc on est en contact, on se frotte.

« En ce moment, chez nous, un tiers des professionnels sont présents et deux-tiers absents. »

Cette semaine, à partir de lundi 16 mars, c’était de la folie. Ça s’est complètement dégradé pour les collègues le week-end du 14-15 mars. Dans mon groupe de collègues, l’une était malade, l’autre avait de la fièvre, un autre à 7h du matin prévenait qu’il ne pouvait pas venir, pour finir une collègue qui se sentait plus ou moins bien s’est rendue au travail, mais elle a été renvoyée à la maison pour éviter tout risque… La direction et les chefs, ils nous ont envoyé en renfort des collègues du pool de remplacement et des centres de jour. Il faut dire qu’en ce moment, chez nous, un tiers des professionnels sont présents et deux-tiers absents.

En logeant ici les résidents signent un contrat qui stipule qu’ils doivent travailler un certain pourcentage, environ deux à trois jours par semaine. Ce sont plutôt des activités occupationnelles. Et selon leurs possibilités dans l’optique de dynamiser le travail éducatif qu’on fait déjà en résidence. Ces derniers jours, les collègues du centre de jours ont très peu de participants puisqu’il y a plein de gens qui restent dans leur résidence. La direction, ils nous envoient ces collègues en renfort. Mais c’est très désagréable pour les résidents qui sont des personnes avec des troubles psychiatriques, avec des diagnostics comme « borderline, bipolaire, schizophrène ». Les changements de cadre, d’ambiance, de visages, ce n’est pas forcément ce qui leur réussit le mieux. Par conséquent, ils sont assez perturbés et un peu tous les troubles de comportements ressortent. C’est pas super agréable à vivre pour eux surtout, mais aussi pour nous, ça se transmet ce genre d’ambiance. Néanmoins répartir le personnel, c’est une gestion assez rationnelle et logique que je comprends. Le problème n’est pas là.

Ce que je ne comprends pas, par contre, c’est qu’on nous impose certaines règles mais sans nous donner les moyens de les appliquer. Il y a le corona virus et on a juste des gants. C’est tout ce qu’on a, juste des gants en plastique qu’on utilise aussi pour faire des sandwichs ! Je ne sais pas si ce sont les gants les plus adaptés… On n’a pas de masques. On en avait zéro! J’ai réussi à m’en faire donner six ou sept par la médecin d’une résidente. Je pense qu’elle a eu pitié. Elle nous a posé la question gentiment. Elle, elle en a eu grâce aux HUG. Sinon ici, on n’a rien reçu ! En plus, on n’a pas de thermomètres car ceux que l’on a sont cassés ou peu fiables. Et tout est tellement lent pour avoir quoique ce soit, parce qu’il faut passer par la hiérarchie. Ça doit être validé par le chef du service, qui passe au chef du secteur, qui envoie à la direction générale. Et si c’est validé c’est renvoyé. Là ils font la commande. Ça prend des plombes. C’était déjà ainsi avant que ça éclate le coronavirus. Donc si on a des doutes on ne peut pas prendre la température. Par exemple, on a une résidente qui a plusieurs diagnostics posés, elle est un peu hypocondriaque. Elle joue un peu là-dessus. Mais je suis allé chercher un thermomètre dans un autre lieu. Alors que là-bas, il y avait une personne qui était potentiellement contaminée par le coronavirus. J’y suis allé avec le masque. J’ai pris un maximum de précaution… tout ça pour aller chercher un thermomètre. On lui a pris la température, elle avait 37,8, ensuite 37 puis 36,5. Elle se forçait un peu à tousser. Elle disait avoir mal. Dans le doute, on a décidé de l’isoler des autres et de la faire manger toute seule. On ne savait pas trop quoi faire.

On doit rester confinés. C’est difficile de respecter les distances car les appartements sont petits. Et puis cette règle-là, pas plus de cinq personnes, elle n’est pas respectée. On est souvent plus de cinq personnes à la cafétéria. Maintenir la distance, c’est pas forcément évident. Les collègues en général ne sont pas très contents. Nous, ici, on est dans cette situation de gestion de la misère. Et les autres, ceux qui ne peuvent pas travailler, n’ont pas leurs heures.

« Alors on devient fataliste, on se dit tant pis: je vais juste faire ce que je peux faire, le mieux possible, mon travail. C’est un peu la situation depuis une semaine. »

Pour l’instant on ne sait pas trop s’ils seront payés. C’est en train de se décider. Les décisions tombent au jour le jour. Aujourd’hui, les EPI ont décidé qu’ils allaient bloquer la comptabilité des heures de travail en l’état, comme c’était au 12 mars. Je n’ai pas très bien compris. S’ils remettent tout à zéro. S’ils ne comptabilisent plus rien. L’information arrive au compte-gouttes et c’est flou. On n’a pas de communication claire. On reçoit mille emails du conseil fédéral, du médecin cantonal, les articles de loi. Je sais que les syndicats ont vu la direction générale hier pour essayer de fluidifier l’information.

Il y a des collègues frontaliers. Il leur faut 3h30 pour arriver au boulot. Ces 3h30 pour arriver au boulot est-ce qu’elles seront comptabilisées ? Est-ce qu’elles seront perdues ? Est-ce qu’ils devront les rattraper ? Il y a plein de collègues qui ne sont pas rassurés. C’est un peu la crise. C’est super mal géré. La direction, ils sont en retard, en retard total. Il n’y a personne qui a le courage de prendre les bonnes décisions.

Il y a des ateliers de production qui sont encore ouverts ! L’idée, c’était que pour éviter de faire prendre les transports publics aux participants on transportait les ateliers de production dans les résidences puisque la majeure partie des participants à ces ateliers habitent dans des résidences. Les « externes » – ceux qui ne sont pas en résidence – ne viennent quasi plus. Depuis lundi, les ateliers de production ont été déplacés où sont les résidents. Donc on concentre encore plus les gens. Et ils continuent à faire des bougies, des petits tableaux, des choses en bois qu’ensuite les EPI vendent habituellement dans leur boutique. A mon avis, fermer les ateliers de production,c’était une des premières choses à faire. Ces collègues-là soit tu les envoies en renfort, soit tu les laisses à la maison.

Mais c’est surtout le manque de matériel qui craint! Toutes les deux heures, j’essaye de désinfecter les poignées de porte, j’aère quand je peux, je jette les sacs poubelles le plus vite possible. La partie éducative dans tout ça, je l’oublie. Je ne peux pas faire d’activités. Je ne fais pas mon boulot. Je fais du gardiennage. Ils sont levés, ils sont douchés, ils sont médiqués, tout va bien. En plus, on doit gérer les familles qui appellent. Elles veulent naturellement savoir ce qui se passe, ce qu’elles doivent faire, est-ce qu’il y a un droit de visite ou non, est-ce que c’est risqué ou non?

La direction, ils nous ont envoyé des email avec les directives du médecin cantonal. On a affiché plein de posters avec les trucs classiques : tousser dans les coudes, se laver les mains toutes les 2h ou utiliser du désinfectant. Ça, au moins, on en a des bouteilles de désinfectant! Mais les stocks vont bientôt finir et on ne sait pas quoi faire après. On est là pour s’occuper des résidents. On n’a pas le temps de se poser tranquillement et de réfléchir à chaque situation posément. Tout est fait dans la confusion. Une fois, la direction donne une information et le lendemain, ça a changé. Pour les visites comme pour les masques. Les masques, au départ on devait les mettre tout le temps, et puis non finalement, uniquement si on est contagieux; le masque est utilisable pendant 8h même si c’est humide, ah non si c’est humide, tu l’enlèves…

Alors on devient fataliste, on se dit tant pis: je vais juste faire ce que je peux faire, le mieux possible, mon travail. C’est un peu la situation depuis une semaine.

J’espère que les autres collègues vont revenir… On ne sait pas quand : il y a deux collègues qui avaient les symptômes du corona mais ils n’ont pas été dépistés, les dépistages sont réservés aux personnes à risque pourtant elles a ont tous les symptômes du corona. D’ailleurs tous les collègues malades sont un peu dans ce cas-là. Si ça se trouve, c’est juste la grippe. C’est aussi flou de ce côté-là. Ils ne testent pas aux EPI, comme ailleurs, ils n’ont pas les moyens.

À grande vitesse vers le pire des mondes

À grande vitesse vers le pire des mondes

Le Conseil Fédéral gouverne par ordonnance depuis un peu plus de deux semaines. Si nous avons pu croire qu’il naviguait à vue dans un premier temps, il ne peut désormais y avoir de doute sur ses priorités ; c’est comme s’il avait été repris en main par ses donneurs d’ordres. En retraçant sur le vif quelques événements de la quinzaine écoulée, on voit se dresser devant nous un tableau monstrueux.

« Les événements se sont succédé à un rythme frénétique. Décisive, cette semaine l’a été notamment concernant la question cruciale de l’arrêt des activités économiques non-essentielles. »

Le 13 mars 2020, le gouvernement édictait la première version de son « Ordonnance 2 COVID-19 ». On peine à imaginer que c’était il n’y a que deux semaines tant les mesures d’alors nous semblent à présent dépassées. Le temps s’accélère et nous nous habituons à grande vitesse à des comportements et des restrictions qui nous paraissaient inimaginables hier. Il y aura, entre le 13 et le 28 mars, huit modifications de ladite ordonnance sans compter les mesures édictées par le biais d’autres ordonnances en lien avec l’assurance perte de gain ou les féries juridicaires par exemple. Le gouvernement a repris des prérogatives aux Cantons et au Parlement et semble, malgré un temps de retard, décidé à dicter le ton.

Désormais, le Conseil Fédéral communique les principales décisions le vendredi après-midi, à la fin de la semaine usuelle de travail. Il a, par exemple, fallu attendre une semaine, du 13 au 20 mars, pour que les premières mesures d’aides économiques conséquentes soient mises en place. C’est en élargissant dans un premier temps le cercle des bénéficiaires du dispositif déjà existant de « Réduction des horaires de travail – RHT » que ces mesures ont principalement été concrétisées.

Un temps de retard  : du 13 au 22 mars

 

Entre le 13 et le 20 mars, Alain Berset incarne presque à lui seul la politique du Conseil Fédéral. Il multiplie les communications jusqu’à ce que son community manager plaisante sur Instagram avec l’humoriste Thomas Wiesel à propos de la calvitie du ministre et de la fermeture des salons de coiffure annoncée lors de la conférence de presse du 20 mars. . C’est durant cette semaine que l’on commence à mesurer la gravité de la situation. Il ne se passe pas un jour sans que l’organisation de la vie quotidienne évolue. Des plexiglas sont installés aux caisses des supermarchés ainsi que d’autres dispositifs de distanciation sociale. La télévision publique modifie massivement ses programmes et multiplie les émissions sur la crise sanitaire, car celle-ci s’aggrave rapidement, notamment au Tessin, premier canton touché par la pandémie de par sa proximité avec le foyer lombard. Les soins intensifs de ses hôpitaux sont rapidement saturés. Étant donné que de nombreux ouvriers résident en Italie, les contrôles à la frontière créent d’immenses bouchons. Ces derniers rendent la poursuite du travail sur les chantiers tessinois et dans les usines impossible, plus encore que la difficulté à respecter les normes d’hygiène. À Genève, pour des raisons similaires, les grandes manufactures horlogères ont fermé les unes après les autres dès le 16 mars. Deux jours plus tard, toujours à Genève les ouvriers arrêtent le travail sur un chantier important de l’Aéroport. Sur demande des syndicats et en accord avec les représentants patronaux locaux des métiers du bâtiment, le Conseil d’État décide la fermeture de tous les chantiers. Le Canton de Vaud ferme quant-à lui uniquement les chantiers publics. Le gouvernement cantonal tessinois, qui ne compte pourtant qu’un membre de gauche (Parti socialiste) dans ses rangs, ordonne l’arrêt de toutes les activités économiques non-essentielles dès le lundi 23 mars. Le gouvernement fédéral décide que les recommandations, comme la distanciation sociale d’au moins 2 mètres, de l’Office Fédéral de la Santé Publique (OFSP) revêtent désormais un caractère contraignant pour l’ensemble de la population et donc également sur les lieux de travail. Lors de la Conférence de presse du 20 mars, Guy Parmelin, conseiller fédéral UDC en charge de l’économie, avait alors admis que les « partenaires sociaux » n’avaient pas encore pu être suffisamment consultés. Les événements de la semaine suivante éclairent ce qu’il entendait exprimer.

Le patronat reprend la main : du 23 au 29 mars

 

La semaine qui suit semble décisive en termes de restructuration des rapports de pouvoir. Les événements se sont succédé à un rythme frénétique. Décisive, cette semaine l’a été notamment concernant la question cruciale de l’arrêt des activités économiques non-essentielles. Car, jusqu’ici, la tactique du Conseil Fédéral était celle des « petits pas », soit de ne pas prendre de décision forte et rapidement mais de monter crescendo dans les mesures de confinement et d’en appeler à la responsabilité individuelle.

En coulisse, on s’active et on tente de rattraper le retard pris au démarrage. L’OFSP déclare dès le lundi 23 que la décision tessinoise d’arrêt des activités économiques non-essentielles est contraire au droit fédéral. On menace de ne pas octroyer les indemnités RHT aux employeurs genevois des métiers du bâtiment parce que la décision est cantonale et non fédérale. La Présidente d’Unia, plus gros syndicat par le nombre de membres, déclare dans le Blick, le journal le plus lu du pays, que l’arrêt des activités non-essentielles est une évidence. Au pays de la paix du travail et de la domestication des syndicats, sa prise de position sans précédent est comprise comme une déclaration de guerre par le patronat, en tête duquel la puissante fédération Swissmem qui avait déjà critiqué vertement la décision tessinoise. Il se dit qu’en représailles, elle n’a pas été conviée à la table ronde entre partenaires sociaux où on discute « au sommet ». Pierre-Yves Maillard, récemment élu à la tête de l’Union syndicale suisse, donne de gages… mais pas aux travailleurs et travailleuses. En effet, il déclare le 24 mars que si une décision a été prise trop tôt, elle doit pouvoir être changée. Une référence à peine voilée à la fermeture des chantiers genevois et à l’arrêt de l’activité économique tessinoise. En quelques jours, les véritables détenteurs du pouvoir semblent reprendre la main.

Alors que la rencontre des représentants des associations cantonales de médecins ne débouche sur rien, des appels se multiplient sous forme de lettres ouvertes ou de pétitions. Certaines demandent clairement l’arrêt des activités non-essentielles alors qu’une lettre ouverte de médecins publiée, qui reste floue, invite invite le « Conseil Fédéral [à] aller plus loin dans les mesures déjà entreprises ». Lorsque, suite à la conférence de presse du 25 mars, Thomas Wiesel, commentent la décision de maintenir les chantiers ouverts, en écrivant ironiquement « Parce que le coronavirus est visiblement comme les classes moyennes et supérieures, il évite les métiers de la construction », le community manager d’Alain Berset n’a probablement cette fois-ci pas répondu. Parce que les intérêts économiques (comprendre patronaux) priment sur le principe de précaution. Tant pis si les ouvriers ramènent le virus dans leurs foyers, tant pis si nous avons l’expérience italienne comme exemple et une courbe de propagation encore plus rapide du virus. En revanche, le même jour les premières mesures de surveillance de la population par géolocalisation avec l’aide de Swisscom, la compagnie de téléphonie nationale et responsable du réseau, sont annoncées.

Mais les contradictions existent aussi en Suisse. Le vendredi 27 mars, le Conseil Fédéral autorise la décision d’arrêt de l’économie prise par le Tessin en fixant des règles extrêmement strictes dans son ordonnance. C’est une concession du gouvernement fédéral aux Cantons dans le rapport de force qui s’est manifesté.

Le Conseil fédéral de son côté ne décidera pas le confinement généralisé. Il en reste à l’heure actuelle à une injonction contradictoire où il invite la population à « rester chez soi » sans l’y obliger tout en continuant à autoriser le travail dans l’économie non-essentielle. Les rassemblements de plus de 5 personnes et le non-respect des mesures de distanciation sociales (2 mètres) sont réprimés mais, sur les chantiers, dans les call-centers et autres lieux de travail, aucun inspecteur ne vient vérifier le respect des mesures d’hygiène : ces derniers ont été réquisitionnés pour vérifier les demandes de RHT.

Quelle suite ou comment éviter le pire des mondes ?

Si la semaine qui vient de s’écouler a eu son lot de rebondissements et qu’il est difficile de prédire l’avenir, il y a quelques signes avant-coureurs de ce qui pourrait nous arriver. À savoir une situation où nous serions toutes et tous confiné.e.s à domicile avec la possibilité de sortir seulement pour travailler et acheter des produits essentiels. En d’autres termes, un maintien de l’économie à tout prix, et l’interdiction de tout autre déplacement.

Il apparaît clairement que c’est uniquement sous une pression très forte et par des coalitions larges que le Conseil Fédéral consent à contredire les intérêts patronaux. L’expérience tessinoise le montre. Cela signifie donc qu’il est possible d’infléchir la ligne gouvernementale. Mais à quel prix ?

Suivant encore la politique des « petits pas », la mise en place de la surveillance via Swisscom ne pourrait être qu’un test avant une forme de surveillance plus importante. Cette surveillance généralisée des déplacements permettrait des mesures plus ciblées contre des individus. On pourrait imaginer, par exemple, retracer les contacts sociaux d’une personne atteinte du virus et les mettre en quarantaine comme cela est déjà le cas dans d’autres pays. Aux yeux des représentants patronaux qui dirigent le pays, elle présenterait l’avantage de permettre la continuation des activités économiques. Il s’agirait évidemment d’une violation profonde de notre sphère privée individuelle. Mais au rythme où vont les choses et à la vitesse de notre accoutumance, il se pourrait qu’aucune voix audible ne s’y oppose le moment venu.

Cette réalité dans laquelle, pour préserver la machine économique, on surveille massivement et on sélectionne les vies qui méritent d’être sauvées, peut sembler un scénario fou ou digne de la science-fiction. Mais, il y a quelques semaines encore, qui aurait prédit ce que nous vivons aujourd’hui ? Face à ce scénario d’une société totalement policée à l’aide de la technologie et où se rendre à son travail serait la dernière liberté de mouvement non réprimée, il semble plus important que jamais de construire dans l’urgence des coalitions larges et de se rassembler autour de la revendication de l’arrêt des activités économiques non-essentielles. Face à la crise, nous ne pouvons faire qu’attendre, il faut passer à l’offensive.

Coronavirus et résistances – suivi en continu : 30 mars  – 14 avril 2020

Coronavirus et résistances – suivi en continu : 30 mars – 14 avril 2020

Première partie du suivi des résistances en période de pandémie. I a pour but de recenser toutes les informations relatives aux luttes sociales en période d’état d’urgence sanitaire car celles-ci se perdent dans les énormes flux d’informations qui sont actuellement disponibles sur le web..

Mardi 14 avril

15h15: Dans Le Nouvelliste, l’ancien conseiller fédéral radical Pascal Couchepin prend la pose du vieux sage pourvoyeur de conseils. Il faut « faire vie qui dure », c’est-à-dire « agir de telle sorte que la vie soit encore possible sur la durée », c’est ma maman qui l’a dit, elle a connu la guerre et blablabla. Cette soif de durabilité n’était pourtant pas ce qui caractérisait M. Couchepin lorsqu’il dirigeait le Département de l’économie. Il était alors plutôt l’avocat du libre-échange à tout crin. Comme Bill Clinton ou Pascal Lamy, Couchepin fait partie de cette génération de politiciens qui a cimenté le cadre de la mondialisation néolibérale. Participant au sommet de Seattle en 1999, il n’avait pas de mots assez durs contre l’audace des manifestants qui avaient bloqué la tenue de la conférence. Aujourd’hui, pas une once d’autocritique chez ce personnage. Sous sa bonhommie valaisanne, Couchepin reste l’idéologue qu’il a toujours été. (source: Canal Telegram Détaché de presse, Le Nouvelliste)

15h: La rappeuse lausannoise La Gale était interviewée dans le 24 heures de samedi dernier. Quand on lui demande comment se passe l’arrêt des concerts et de son activité professionnelle annexe (elle travaille dans un théâtre), elle répond « oui, je vais perdre de l’argent. Mais je pense à toutes celles et ceux qui sont sur la ligne de front. Tous les ouvriers sur les chantiers, qui ne devraient pas y être et qu’on envoie quand même au cassepipe […] On est en train d’assister au point culminant de l’écrasement du faible par le fort. Les patrons sont déjà reclus dans leurs chalets, les autres dans leurs salons, alors que les employés et les ouvriers sont exposés quotidiennement au risque. » (source: 24 heures)

14h: Sur la RTS, interview de la directrice du Centre d’études environnementales de l’IHEID à Genève. « Dès que l’économie repart, la pollution repart avec elle. » Le journaliste lui demande si « on va oublier la transition énergétique ». « Alors c’est le danger de toutes ces crises économiques, que les objectifs environnementaux peuvent être la victime des récessions économiques. A très court terme, effectivement il y a le lobby des entreprises qui peuvent dire : « on est déjà sous le coup d’une récession économique, est-ce qu’on pourrait suspendre certaines régulations environnementales qui sont coûteuses pour les entreprises. » (…) A moyen terme, il y a aussi simplement qu’après les plans de relance massifs qui sont entrepris en ce moment, d’ici 2-3 ans, les budgets des gouvernements seront bien à la baisse et donc il n’y a peut-être plus assez d’investissements publics pour les subventions environnementales. Donc il y aura un changement de priorités aussi qui peut être dommageable aux politiques environnementales. » Quoi qu’en disent les Verts et les différents surfeurs de la vague verte, il n’y aura pas d’écologie qui ne soit pas anticapitaliste. (source: La Matinale, RTS La 1ère)

13h: Chronique d’une pénurie annoncée : La TdG et les autres journaux Tamedia du jour donnent des éléments supplémentaires sur le manque de masques en Suisse le mois dernier. En 2017, l’Office fédéral de l’approvisionnement économique (OFAE) renonce à donner des consignes aux hôpitaux et aux cantons en matière de stockage, chacun fait comme il veut car « les acteurs de la santé craignaient les coûts élevés du stockage. » Et de poursuivre  « Il était clair qu’une ordonnance fédérale stricte sur le stockage obligatoire n’aurait pas été acceptée.» La logique capitaliste : stocker en fonction des économies désirées (qui profitent à certains) et non en fonction des besoins estimés (qui auraient profité au commun, à nous tou.te.s). Rappelons l’impact qu’a eu cette pénurie au début de cette crise sanitaire : des professionnelles de santé travaillant sans masque (EMS, soins à domicile) ou devant réutiliser un masque à usage unique, les autorités sanitaires communiquant que le port de masque dans la population n’est pas nécessaire avant de revenir en arrière, un gouvernement qui n’en distribue pas (faute d’en avoir) et enfin des employeurs autorisés à forcer leurs employé.e.s à travailler sans protection. (source: Tribune de Genève)

12h: Mini-manif à deux à Berne. « Schliesst die Läger, öffnet die Hotels » [Fermez les camps [d’asile], ouvrez les hôtels] (source: Page FB Bleiberecht Bern).

Lundi 13 avril

17h: Dans la WOZ du 9 avril, un article de la journaliste Anna Jikhareva sur les conditions de vie dans le bunker d’Urdorf (ZH) où sont entassés une quarantaine de requérants d’asile déboutés. Des vidéos de l’intérieur ont été transmises à la WOZ, la promiscuité est forte et les distances de sécurité sont impossibles à respecter. Un habitant du bunker témoigne « nous vivons ici comme des prisonniers, personne ne s’intéresse à notre situation catastrophique ». Dans le foyer pour familles d’immigrés d’Adliswil (ZH), on se plaint d’être traité avec condescendance. Le conseiller d’Etat Mario Fehr (PS) est venu sur place dans une opération de communication mais n’a pas souhaité entendre les habitants du foyer. Notons qu’à Genève, les bunkers ne sont plus utilisés pour loger les requérants d’asile après une importante mobilisation en 2015 et l’occupation du théâtre du Grütli. (Source: WOZ, non traduit)

16h: Sur Renversé, un article de revendication d’un lancement de feux d’artifices samedi dernier près de la prison de Champ-Dollon. « Ce samedi 11 avril 2020, а travers des feux d’artifices, nous avons essayé de montrer notre solidarité envers ces oublié.e.s. Alors que nous hurlions « Liberté ! », les cris et tambourinages venant des cellules ont montré que notre message avait été reçu. […] Jusqu’au jour où les murs tomberont, nous saluons le courage de celles et ceux qui osent exister à travers leur voix. Nous ne vous oublions pas !» (source: Renversé)

9h45: Banderole sur un immeuble en construction à Zurich samedi dernier. « Wer heute profitiert wird morgen enteignet » [« Qui profite aujourd’hui sera exproprié demain »] (source: Aufbau, Page FB Revolutionäre Jugend Zürich – RJZ)

9h30: Quelques extraits de la revue de presse alémanique Antira(point)org du 6 avril dernier.

– Dans les camps fédéraux gérés par l’entreprise privée ORS AG près de Zurich, ce sont des particuliers qui sont intervenus pour leur donner du savon et du désinfectant, ce qui a causé des frictions avec l’entreprise.
– Décryptage des déclarations de la conseillère Karin Keller-Sutter (PLR) dans les médias: dire comme elle le fait que les procédures d’asile peuvent continuer comme d’habitude est le signe d’un profond cynisme.
– Dans Der Bund (journal bernois), il est rappelé que les étrangers détenteurs d’un permis de séjour peuvent le perdre s’ils touchent des aides sociales, une disposition très dangereuse en temps de pandémie où les recours à l’aide sociale augmentent! À Berne c’est l’UDC qui gère l’asile, un député de ce parti refuse tout relâchement légal.

(source: Antira(point)org, Barrikade)

8h: Banderole sur l’Espace autogéré de Lausanne. « Grève des loyers. Solidarité avec les personnes précarisées par les mesures contre le Covid-19 » (source: Page FB Feu au lac)

Dimanche 12 avril

9h30: 4 maisons ont été occupées le 9 avril à Zurich dans le cadre d’une campagne « Für alle. Eine Zuhause » (Un chez-soi pour tout le monde). Un joli site web a été créé pour l’occasion, avec une vidéo tutoriel sur comment ouvrir des maisons en période de pandémie. « La demande d’une grève des loyers ne nous suffit pas. Occupons donc les logements vides ! Ouvrons-les à tous ceux pour qui il n’est pas possible de rester à la maison. ». (source: Wir bleiben alle, Barrikade, Page FB Revolutionäre Jugend Zürich – RJZ, Aufbau, Page FB Ajour Magazin, non traduit)

9h: Sur le site de la BauernZeitung, le principal journal agricole suisse, on peut lire l’interview du directeur de Proviande au sujet du contingent de 1’400 tonnes que cet organisme a demandé à l’Office fédéral de l’agriculture en date du 6 mars, soit dix jours avant la fermeture des restaurants. La conséquence de la libération de ce contingent d’importation est que le Conseil fédéral a décidé de dépenser 3 Mios pour congeler du bœuf produit en Suisse, tandis qu’on trouve dans les feuilles publicitaires – dont la distribution n’a pas été suspendue – du bœuf de provenance variée (Uruguay, Paraguay, etc.) On ne savait pas, se défend le directeur de Proviande. Drôle de défense ! Le 28 février, l’OMS portait la menace mondiale à très élevée. Le lendemain, les rassemblements de plus de 1000 personnes étaient interdits. Du 4 au 6 mars, le nombre de malades testés positifs en Suisse était multiplié par un facteur trois. Ce court entretien illustre deux aspects importants de la situation présente. D’abord, la difficulté des managers à envisager un arrêt du cours des choses économiques. La Suisse est autonome à 80 % en viande de bœuf (fourrage non compris). Les signes de propagation de la maladie auraient donc pu déterminer une politique d’importation prudente sans risquer une seule seconde une pénurie sérieuse. Ensuite, le caractère central de la restauration hors domicile dans le système agro-alimentaire et plus largement dans le système économique. L’arrêt des activités de Mc Donald’s – mentionné dans l’article – mais aussi de la restauration collective (Eldora, Novae, etc.) a conduit, d’un jour à l’autre, à une crise de surproduction qui coûte 3 Mios à la Confédération. Dans le domaine de l’alimentation comme dans celui de la santé, l’incurie des managers associée à des systèmes ultra-centralisés est désastreuse pour l’ensemble de la société. (source: Canal Telegram Détaché de presse, Bauernzeitung)

 

Samedi 11 avril

10h50: Promiscuité imposée par l’Etat: Dans un foyer pour requérant.e.s d’asile du canton de Vaud qui regroupe quelques 125 personnes, un habitant nommé Alex témoigne pour le nouveau projet multimédia entre l’association Vivre Ensemble et Exilia Films. Dans un entretien mis en ligne mardi, il observe que certaines personnes du foyer sont malades, crachent et toussent. Lorsqu’il interpelle un employé pour savoir s’ils vérifient si ce n’est pas le coronavirus, ce dernier répond qu’il n’y a pas de tests. Il commente : « Ils pourraient faire 5-10 tests, juste pour les personnes qui toussent. C’est pas très cher. C’est plus cher si une personne en infecte d’autres qui ensuite vont à l’hôpital, ça sera plus cher. J’ai de l’anxiété. J’ai peur. Je ne contrôle pas cette situation. […] Notre situation est dangereuse. On est beaucoup de personnes. Il n’y a pas la possibilité de maintenir une distance, ni de nettoyer la cuisine après le passage de chaque personne […] Quand tu habites avec 20 à 40 personnes par étage, il n’y a pas de place pour une distance d’un mètre. C’est impossible de contrôler cette situation. Ce foyer est dangereux. Toutes les personnes qui habitent en appartement peuvent rester dans leur appartement. Nous ne pouvons pas. C’est dangereux ! Ce moment est dangereux. » En réponse à ses doléances, on lui répond : « La Suisse fait tout pour vous. » (Source : Asile.ch; Chaine Youtube Voix d’asile)

10h30: Un article sur le site de la Tribune de Genève nous relate que la fondation du banquier Edmond Safra, propriétaire d’immeubles des rues basses, refuse d’accorder une baisse de loyer aux enseignes de luxe appartenant notamment au groupe LVMH. Le groupe en question est dirigé par Bernard Arnault, homme classé le plus riche du monde en début d’année. Face aux doléances de l’hyper-bourgeoisie, cette dernière n’obtient en réponse qu’un bâillement aristocratique de l’avocat Marc Bonnant, membre du Conseil de la Fondation Safra. Ces querelles de possédants seraient amusantes si elles ne nous rappelaient que rien n’a été fait pour soulager les locataires de leurs loyers. Alors que même l’Asloca semble plus se soucier du sort des locataires commerciaux, des appels commencent à circuler pour obtenir le gel des loyers en Suisse. (source: Canal Telegram Détaché de presse, Tribune de Genève)

9h: Danger au travail : Dans un établissement de santé psychique du canton de Fribourg où le personnel n’a l’autorisation de porter un masque que pour faire des soins corporels, une éducatrice sociale raconte de manière anonyme au téléjournal : « Les psychiatres sont en télétravail et les hôpitaux psychiatriques sont débordés. C’est à nous de tout gérer. Je me sens en colère. On est seuls, c’est une grosse pression ! On a besoin que notre direction nous protège pour qu’on puisse mieux protéger les résidents. » Et un syndicaliste vaudois de souligner : « Ce n’est pas les applaudissements qui nourrissent l’hôpital public, c’est des investissements massifs qu’il faudrait faire ! Et je crois que le manque de masques et de protections est simplement un symbole extrêmement violent de ça, parce que les gens sont en danger pour faire leur métier. » Un dépistage généralisé du Covid-19 dans tous les établissements de santé est à nouveau demandé par les syndicats. (Source : 19h30, RTS 1)

 

Vendredi 10 avril

17h: La RTS consacre des reportages au « monde d’après », avec un constat : « le coronavirus exacerbe les inégalités sociales » et une question: « que retenir de la crise pour améliorer les conditions de vie des oubliés de la société ? » Dommage d’avoir raté l’occasion de changer de discours car ces personnes ne font que rarement l’objet d’un « oubli ». Elles font plutôt l’objet d’exclusion, encaissant violemment les conséquences connues des choix pris par les politiques. Pour « identifier ce que la crise pourrait changer dans nos sociétés », pourquoi ne pas identifier et donner du temps d’antenne aux réels ressorts sociaux de la vie de ces dits « oubliés » et aux pistes visant des systèmes alternatifs ? (Source: 19h30, RTS 1)

9h: Dans la TdG, Lise Bailat nous prend pour des ânes : « c’est la stratégie de la carotte et du bâton qu’a maniée le Conseil Fédéral » écrit-elle, dans un article qui résume la conférence de presse de mercredi. En ces moments de communion nationale, les journalistes semblent encore plus dociles qu’à l’habitude. Aucun ne relève que l’élargissement du dispositif de RHT à certains travailleurs sur appel (minimum 20 % d’activité, engagé depuis 6 mois) intervient bien tard et aurait pu être annoncé en même temps que l’élargissement pour les temporaires. Le Temps rappelle la charge de l’UDC pour une reprise au 19 avril et souligne les besoins des indépendants. Il est déjà bien loin le temps où ce journal évoquait les femmes et les bas salaires au front. Hier soir, Alain Berset et Daniel Koch répondaient en direct aux questions des auditeurs de la Première. Brièvement suspendue, la vie idéologique reprend, avec son lot de médias aux ordres. (Canal Télégram Détaché de presse, Tribune de Genève, Le Temps, RTS)

8h45: La secrétaire générale de l’Association suisse de négoce de matières premières et du transport maritime (STSA) – cette activité économique correspond à environ 3,8 % du PIB et regroupe quelques 35 000 professionnel.le.s en Suisse – partage sa perspective dans un entretien pour Swissinfo. La lobbyiste genevoise, ancienne collaboratrice de la police fédérale à Berne, nous apprend que « les sociétés suisses de commerce de matières premières travaillent en étroite collaboration avec les torréfacteurs et les chocolatiers pour assurer l’approvisionnement en biens de consommation essentiels pour la Suisse, conformément aux politiques du gouvernement suisse visant à garantir le maintien des réserves fédérales de café et de cacao. (…) Les commerçants sont parfois dépeints comme de mauvaises personnes gagnant beaucoup d’argent sur le dos des autres. En réalité, aujourd’hui, ils travaillent dur pour que tout le monde puisse continuer à vivre aussi normalement que possible. Et continuer à boire du café et à manger de l’ananas ou du kiwi tous les matins. » Voilà l’essentiel est donc là… (source: Canal Telegram Détaché de presse, Swissinfo)

Jeudi 9 avril

19h30: Lundi dernier, le journal 24 heures a publié un article sous le titre « Sangar Ahmad désinfecte les hôpitaux d’un pays qui ne veut pas de lui ». Le susnommé est un Kurde d’Irak domicilié à Vevey qui travaille dans le nettoyage. « En première ligne face au Covid-19, il aseptise deux jours et demi par semaine les poignées de portes, les chaises, les sols, les murs ou encore les tables d’auscultation touchées par des malades:  » Il a reçu du Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) une décision de renvoi pour le 13 avril prochain. L’édition d’aujourd’hui nous apprend qu’une mobilisation a été lancée pour sa régularisation via la plateforme change(point)org. Solidarité ! (source: 24 heures)

19h15: Dans le 19:30 de mardi dernier, zoom sur les femmes de ménage et les employées de maison. Celles qui continuent de travailler ont la boule au ventre, d’autres sont congédiées et ne reçoivent pas leur salaire, et elles n’ont pas le droit aux aides car il s’agit souvent du travail au noir. (source: 19h30, RTS 1)

19h: Article sur la situation du personnel soignant aux HUG et dans les EMS dans la Tribune de Genève. « Le syndicaliste évoque un personnel mis sous pression pour renoncer à ses vacances ou au contraire en prendre lorsqu’il s’agit de personnes à risques, ou alors de personnes malades pressées d’écourter leur quarantaine pour reprendre le travail. Même chose aux HUG, « on peut prier le personnel à la dernière minute de rester à la maison, exiger qu’il récupère ses heures supplémentaires, tout en restant disponible si besoin. «C’est presque du travail sur appel, blâme le syndicaliste. Sous prétexte de solidarité, les HUG bafouent les droits des travailleurs. » Autre problème aux HUG, « les nettoyeurs se sont vu initialement interdire le port du masque » (maintenant ça aurait changé). Le syndicat propose que l’ensemble du personnel et des résidents d’EMS soient testés, «pour savoir où on en est». (source: Tribune de Genève)

18h30: A Genève, les syndicats Unia et SIT ont organisé une conférence de presse contre l’autorisation de réouverture pour le chantier de la pizzeria Molino à la place du Molard. Un ouvrier témoigne: « On porte de lourdes charges à deux, on se croise sans cesse, respecter la distance est impossible […] Mes enfants ne vont plus à l’école, mais je dois travailler! C’est contradictoire ». L’un des syndicalistes déclare: « L’État n’a pas hésité à mobiliser 400 personnes avec des drones, le week-end dernier, pour sanctionner des rassemblements de plus de cinq personnes. À juste titre. Or il ne semble pas aussi déterminé à contrôler les règles d’hygiène sur les lieux de travail. Belle hypocrisie ». (source: Courrier, Tribune de Genève, )

11h15: Concernant la position du Conseil fédéral sur les personnes à risque qui sont contraintes d’aller travailler, le président de l’USS au micro de la RTS déclare : « ça fait bientôt trois semaines maintenant que le Conseil fédéral dit aux personnes à risques « N’allez pas faire vos courses, ne voyez pas vos petits-enfants, mais vous pouvez travaillez », pourvu que l’employeur prenne quelques mesures, qui sont d’ailleurs pas contrôlées. Cette contradiction-là, elle demeure et elle est de plus en plus insupportable. » Après des années de partenariat social intégral, l’USS est tellement mise de côté dans les discussions qu’en lisant les compte-rendus de la séance du CF d’hier, il n’y a rien qui mentionne la question des personnes à risque. (Source : RTS La 1ère, La Matinale)

11h: Tag à Lausanne « Grève des loyers » ! (source: Page Facebook Feu au lac)

Mercredi 8 avril

13h50: Saga des masques. On aurait pu naïvement penser que les autorités politiques se basent sur les connaissances en leur possession et non sur les capacités de les mettre en œuvre. Il n’en est rien. Le Courrier analyse le changement de discours des autorités politiques et sanitaires, qui après avoir tenu le propos inverse, admettent à présent que le porte de masque n’est in fine pas inutile. Le médecin-chef des soins intensifs des HUG le disait déjà à demi-mots lorsqu’il disait à l’antenne de la RTS que même un foulard vaut mieux que rien. Pourquoi ce changement de discours ? Parce qu’à présent, le stock de masques disponibles le leur permet. En effet, un avion parti de Shanghaï en a déposé quelques 2,5 millions à Genève. « Désormais, les autorités affirment que le masque ne suffit pas. Tout est dans la nuance. » ironise le journaliste. Mais l’affaire ne s’arrête pas là. « Faire figurer le port de masque dans les recommandations de l’OFSP aurait, du fait de la pénurie, obligé un certain nombre d’entreprises et d’industries non essentielles à fermer. » explique le Courrier. Et de rappeler comment Coop et Migros ont tout simplement interdit le port de masque à leurs caissier.e.s. Du rapport de l’Office fédéral pour l’approvisionnement économique de 2019, les journalistes tirent deux chiffres concernant le stock stratégique : le pays disposait de 186 000 masques (de type FFP2 et FFP3) alors qu’il en aurait fallu 745 000 pour faire face à un nouvel agent pathogène pendant les trois premiers mois, un chiffre calculé plutôt à la baisse. Et le rapport de conclure : n’y changeons rien ! Ah les économies… La découverte de ce rapport choque, du Collectif Grève du Climat Suisse à une conseillère nationale verte qui affirme « On considère dans ce pays que la santé est une charge et on analyse donc les besoins presque uniquement en fonction de ce qu’ils pourraient coûter. (…) on ne se permettrait jamais autant de légèreté avec les équipements militaires. » (Source : Le Courrier)

12h40: Sur Renversé, un article critique la couverture de la révolte du week-end dernier à la prison de Champ-Dollon par la Tribune de Genève. L’administration pénitentiaire a encore une fois le monopole de la parole. « D’un point de vue journalistique il est scandaleux de reproduire tel quel les comuniqués de l’OCD sans faire un pas en arrière et se poser les bonnes questions, sans chercher à véritablement relater ce qu’il s’est passé. » La journaliste se permet une « blague » de mauvais goût sur le fait que les prisonniers qui demandaient des cellules individuelles ont eu gain de cause en ayant été envoyés au mitard. « Comment peut-elle laisser entendre que le cachot serait équivalent à la revendication vitale et digne qu’ont portée ces personnes détenues ? Doit-on lui rappeler qu’on parle d’êtres humains enfermés 23/24h dans des cellules surpeuplées, dans des conditions de détention décriées par de nombreuses associations et organisations internationales contre la torture et les droits humains. » (source: Renversé)

12h30: Une dépêche de l’ATS annonce qu’un centre de requérants d’asile est désormais placé en quarantaine à Selzach (SO). Il semblerait qu’il s’agisse d’un foyer et pas d’un camp fédéral. « Quatre des 29 pensionnaires ont été testés positifs au coronavirus. Ils ont été isolés dans une partie séparée du bâtiment ». (source: Tribune de Genève)

10h30: Autopromo, le Silure continue sa récolte de témoignages sur le monde du travail ou la précarité sociale dans le contexte de la pandémie. Il publie un troisième récit, celui d’une infirmière ayant côtoyé des mineurs non accompagnés (MNA) qui, bien qu’ils soient censés être pris en charge par l’État, sont bien souvent délaissés. Elle y souligne entre autres les difficultés pour accéder tant à la santé qu’à la prévention et dénonce la faim que rencontre certains d’entre eux dans l’un des pays les plus riche du monde. Si la précarité cruelle que l’État impose à ces jeunes ne date pas de la pandémie, celle-ci la rend plus visible et l’exacerbe comme pour tant d’autres laissés-pour-compte et ce par choix et non par oubli. (Source : Silure)

9h40: Plusieurs informations à retrouver sur le site national du Syndicat des services publics (SSP-VPOD). D’abord, une interview du secrétaire syndical en charge de l’Aéroport de Genève qui raconte comment il s’est fait retirer son badge d’accès pour qu’il ne puisse plus aller parler aux salarié-e-s. « Cette crise est l’occasion pour le patronat d’attaquer de front de nombreux acquis, même le minimum prévu par le Code des obligations. Certains employeurs nous répondent simplement: « En ce moment, on n’est pas en mesure de respecter la loi » ! […] Les syndicats doivent se mobiliser dans tous les secteurs. » Dans le numéro de leur journal « Service public » du 3 avril, il y a aussi des témoignages d’infirmières dans les hôpitaux de Lausanne, Fribourg et Genève. L’ordonnance du Conseil fédéral permettant de ne plus appliquer au personnel hospitalier les dispositions de la Loi sur le travail en matière de durée du travail est unanimement critiquée.
Enfin, un communiqué publié hier met en avant le fait que des personnes vulnérables dans le secteur des soins sont obligées de travailler par leur employeur à cause de la décision du CF du 20 mars dernier. « Carolina*, aide à domicile, personne vulnérable, n’a pas pu arrêter son travail pendant plusieurs jours, car son employeur exigeait un certificat médical du médecin traitant (médecin inatteignable). Elle a bien tenté de passer par le médecin du travail. Refus de l’employeur. Elle s’est ainsi exposée pendant plusieurs jours et a fini par être testée positive. En arrêt de travail aujourd’hui, terrorisée et contrainte au silence par crainte de représailles. »  Le SSP a lancé une plateforme « Je soigne Je témoigne » (source: SSP)

9h30: L’Union syndicale suisse (USS) parle d’un « développement effroyable » du chômage en Suisse et se plaint que des branches qui n’ont eu aucune restrictions d’activité comme l’industrie, les transport et le secteur financier licencient en masse. Attachée à la « défense des places de travail », l’USS a été très accomodante avec le patronat depuis le début de la crise. (source: USS, Le Temps)

Mardi 7 avril

19h: Le vidéaste Alexandre Salama a fait un reportage embedded avec des syndicalistes d’Unia Vaud qui intervenaient dans un grand chantier du canton.  Les syndicalistes bloquent l’entrée avec leur véhicule de bon matin, la police est appelée par les cadres de l’entreprise HRS et rouvre le chantier. La stratégie des syndicalistes est de provoquer un contrôle inopiné pour faire constater le non-respect des normes de l’OFSP, ce qui pourrait aboutir à une fermeture. Des ouvriers pointent l’hypocrisie de leur entreprise, « ils viennent de mettre le savon » alors qu’il n’y en avait pas les autres jours. Les contrôleurs sont débordés par les sollicitations: « On a 150 demandes […] on tape au hasard des urgences ». C’est le premier reportage vidéo de ce type sur les chantiers en temps de pandémie, à voir! (Source: Chaîne Youtube SALAMA, Page Facebook Unia Vaud)

11h: Le témoignage récolté par le Silure sur la personne en confinement dans sa voiture a été traduit en allemand sur Barrikade. Merci ! (source: Barrikade)

10h50: En Suisse alémanique, lancement d’une ligne d’info en droit du travail en temps de pandémie, le « Corona Solifon ». Ils répondent aussi en français. « On t’a licencié a cause du Corona? Tu travailles sur appel et tu ne reçois plus boulot? Tu ne sais pas où tu peux demander les allocations pour perte de gain (APG)? […] Tu n’es pas tout·e seul·e. Apelle-nous et on essaiera de t’aider. » Le numéro est +41 76 620 95 74. (source: Coronasoli, FAU Bern)

10h40: Banderole au balcon à Genève dans le quartier de Saint-Jean. « Vidons les prisons. Interdisons les expulsions. Refusons le travail exploité. Unifions les luttes. Solidarité ! » (source: email).

10h30: Double peine. Alors que la Fédération européenne des associations nationales travaillant avec les personnes sans-abri préconise la protection de ces dernières contre les mesures punitives, la police de Renens (VD) inflige des amendes pour non-respect des distances sociales à des personnes vulnérables et bien souvent précarisées par l’État. Le Courrier nous apprend encore que le municipal PS en charge de la cohésion sociale défend une « régularisation collective (des personnes) qui n’ont pas de statut de séjour et vivent régulièrement en Suisse », considérant que « (l)a très grande majorité des personnes qui fréquentent les dispositifs n’ont pas besoin de lieux d’hébergement d’urgence mais de permis de séjour qui leur permettent de travailler et de vivre de manière autonome». (Source : Le Courrier)

10h10: Le directeur général du CHUV, ancien médecin chef des soins intensifs, partage son avis sur les appels de politiciens et des milieux économique à relancer la machine : «(Ces pressions) sont trop précoces. Il faut d’abord s’occuper de la santé de la population. (…) Si les mesures de déconfinement viennent trop tôt, nous risquons un deuxième pic qui lui va être extrêmement grave avec de nombreux décès notamment.  (…) Il est trop tôt pour prendre des mesures de déconfinement, il est clairement trop tôt! » En plus de les applaudir tous les soirs, est-ce qu’on ne les écouterait pas ? (Source : La Matinale, RTS La 1ère)

10h: La pression pour relancer la machine en Suisse va bon train. Les milieux économiques et la droite dure (UDC et PLR) réclament que les entreprises et les commerces ouvrent à nouveau au 19 avril. Concernant les employé.e.s à risque aujourd’hui obligé.e.s d’aller travailler si l’employeur considère que les mesures de sécurité qu’il a mises en place sont satisfaisantes, un journaliste de la RTS rappelle que la pression ne s’exerce pas uniquement dans le milieu hospitalier : « la pression est partout dans l’industrie, les chantiers, les les bureaux, les commerces d’alimentation. Un médecin nous a, par exemple, confié avoir certifié qu’une patiente présentait de hauts risques en raison d’un diabète, mais cette caissière de supermarché a été contrainte de retourner au travail car son employeur a décrété que la sécurité sanitaire est assuré dans le magasin où elle travail. « C’est l’ordonnance du Conseil fédéral qui le permet et c’est choquant », commente le médecin qui veut rester anonyme. » Nos mort.e.s, leurs profits ! L’obligation de travailler des personnes à risque doit faire l’objet d’une communication du Conseil fédéral demain (mercredi), vont-ils confirmer leur décision du 20 mars ? (Source : RTS)

Lundi 6 avril

19h15: Traduction par la page FB Feu au lac d’un texte du Anarchistische Gruppe Bern intitulé « Et soudain, tout le monde est solidaire les uns des autres ». Ces camarades bernois soulignent concernant les réponses à tout va à l’appel à la solidarité du gouvernement suisse : « il est clair qu’il n’y a pas de resserrement des rangs avec le sommet. Il est particulièrement important maintenant, outre l’organisation pratique de l’aide directe, de s’opposer à ceux qui sont responsables de l’oppression et de l’exploitation avant, pendant et après la crise. Nous ne voyons pas notre rôle dans l’apport d’un soutien caritatif pour faire traverser la crise à l’État. » Et de poser la question  : « Quel intérêt les partis de gauche à droite, par exemple, ou les entreprises ont-ils à rejoindre une organisation d’aide de voisinage ou d’autres initiatives ? Migros, par exemple, utilise directement l’idée de l’aide de voisinage. Elle offre sa propre aide et, selon ses propres déclarations, dispose de milliers de bénévoles qui distribuent les produits achetés aux ménages. Les partis peuvent montrer leur soi-disant côté social à un moment où toute la société est dans le besoin. Ils contribuent ainsi à pacifier et à canaliser un tel mouvement vers le parlementarisme. » Enfin concernant l’aide de voisinage et autres actions similaires qui émergent, tout en émettant deux critique à savoir une portée « plutôt symbolique au lieu d’une aide efficace ou la non-inclusion des sans-abri ou des demandeurs d’asile dans les camps », ils y reconnaissent une première approche de l’auto-organisation et espèrent qu’elles perdureront après la crise. Et de conclure par l’importance tant d’y participer, que de s’opposer à toutes tentatives de récupération. (Source : Page Facebook Feu au lac, site web Anarchistische Gruppe Bern)

18h15: Grande fresque sur le toit de la Reitschule de Berne « Gesundheit über Profit. Krieg dem Virus = Krieg dem System » [La santé avant le profit. Guerre au virus = guerre au système]. Le communiqué dit que « le capitalisme et un bon système de santé ne vont pas ensemble. » Il y a une vidéo sur Youtube et les réseaux sociaux. (source: Page Facebook Feu au lac, site web RJG Bern: Revolutionäre Jugend Gruppe)

18h: Interrogé dans la Tribune, un sociologue genevois rappelle que la mobilité s’accompagne aussi de son lot d’inégalités : « la mobilité est ambivalente. Valorisée si vous êtes un homme d’affaires volant en première classe, elle ne l’est plus s’agissant d’un migrant. Mais il est vrai que ceux qui continuent de se déplacer aujourd’hui sont souvent des «petits»: le personnel des supermarchés, les éboueurs, les soignants. Les cadres, eux, travaillent en ligne. Spatialement immobiles, ils continuent d’être mobiles socialement en vaquant à toutes leurs activités. » Autre point soulevé :  » On est en plein paradoxe. D’une part, il y a ces informations terribles, ce confinement, des pans entiers de l’économie qui s’effondrent, comme à l’aéroport. Mais il en résulte une amélioration saisissante de la qualité de vie et de l’environnement. C’est ambivalent, étonnant. En plein drame, on redécouvre un monde urbain sans nuisance. »  Omettant de préciser que la jouissance de ce dernier est elle aussi inégale, ce dernier termine sur une note optimiste : »Nos rythmes de vie étaient jusqu’ici très soutenus: nous nous déplaçons vite, loin et souvent, mais cette espèce de danse de Saint-Guy relève en partie de la contrainte ou d’une croyance qu’on ne peut pas faire autrement, bien que cela soit pénible et fatigant et que cela prenne beaucoup de temps. Et quand tout cela nous est supprimé, tout n’est pas négatif. (…) (Le) rythme effréné de nos vies, (…) c’était une pression mal vécue depuis plusieurs années: le fait de vivre autre chose devrait renforcer sa contestation ainsi que l’aspiration à la proximité, à des activités moins frénétiques. »  (Source: Tribune de Genève)

17h45: Banderole à Genève « Corona et capital: contre les virus, solidarité » (source: Page Facebook Feu au lac)

13h15: Dans 24 heures, un article sur les foyers pour immigrés de l’Établissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM). Des employés et le syndicat SSP demandent des mesures spéciales en raison des problèmes posés par la promiscuité. « [L]’inquiétude s’insinue dans l’esprit des professionnels quant aux dégâts sociaux et psychologiques que peut avoir cette crise. «Les foyers regroupent des gens malades, des toxicomanes, des cas psychiatriques ou encore des familles, explique Letizia Pizzolato, du Syndicat des services publics (SSP). Certaines d’entre elles paniquent. C’est une bombe à retardement!» Douches, toilettes, cuisines, de nombreux espaces sont parfois partagés. «Cela rend le confinement encore plus difficile», souligne Letizia Pizzolato. Des mouvements de panique et de la violence ont déjà éclaté, rapportent différents employés. Notamment au grand centre d’Écublens, occupé actuellement par 160 personnes. […] «Il faut rappeler que ces foyers ne sont pas conçus pour être des lieux de vie mais des lieux d’hébergement précaire, de dissuasion et de coercition. Le confinement rend encore plus criante cette inadaptation structurelle.» » (source: 24 heures)

11h10: Dans Le Temps, chroniques de plusieurs avocats genevois qui tentent d’obtenir la libération de leurs clients. Un homme d’affaires suspecté de malversations financières peut sortir alors que dans le cas d’un « prévenu au bénéfice d’une formation d’infirmier », la Chambre pénale de recours refuse la libération. Il avait « tenté de convaincre qu’il serait plus utile en liberté, là où il pourrait apporter sa contribution au dispositif de soins ». Le procureur général Olivier Jornot (PLR) ne veut pas de libérations. « Personne ne sort qui ne devrait pas sortir », dit-il cyniquement. D’autre part, « Genève se montre aussi strict sur les libérations conditionnelles. Pas question de brûler les étapes et d’anticiper les sorties pour alléger Champ-Dollon d’une partie des détenus qui y exécutent leur sanction. Certains dossiers sont même bloqués par la crise ». Seule bonne nouvelle, le sans-papier du centre de rétention de Frambois qui était positif au Covid et qui avait été transféré à Champ-Dollon a pu quitter la prison. (source: Le Temps)

11h: Comme nous l’indiquions hier, la vingtaine de détenus qui a participé samedi dernier au second mouvement de protestation à la prison de Champ-Dollon. sont au mitard. Aujourd’hui on apprend qu’ils sont en plus « privés de visites, de télévision ou encore d’ateliers […] L’heure de promenade quotidienne doit se faire à tour de rôle et dans une cour isolée du reste des détenus. » Solidarité ! Le 20 Minutes titre à la une « Week-end de révolte derrière les barreaux » (source: Tribune de Genève, 20 minutes)

10h50: Hier soir, le médecin-chef des soins intensifs des HUG était interrogé sur l’empressement irresponsable de certains à renvoyer les gens au travail en Suisse. A l’injonction « il est temps que l’économie reparte », il répond : « (…) on a encore une bonne part de cette épidémie qui est devant nous, et je pense que c’est simplement beaucoup, beaucoup trop tôt de ramener les gens dans des espaces communs, à travailler dans des open-space. Ça nous fait très peur en tous cas! » Écouterons-nous celles et ceux qui sont en première ligne et voient tous les jours des gens guérir mais aussi mourir ? Il ne suffit pas de les applaudir tous les soirs…. (Source: 19:30, RTS 1)

10h45: Divers collages à Genève et une fresque dans la cour du bâtiment de la coopérative Ressources urbaines au sentier des Saules, où est situé le Silure.

Dimanche 5 avril

15h30: Banderole hier devant les HUG et maraude pour les personnes vulnérables organisée par les Brigades de Solidarité Populaire de Genève. « Être solidaires envers ielles signifie aussi être prêts à lutter à leur côtés lorsque les coupes budgétaires menacent leurs santés et donc la nôtre ».

(source: Acta, Page Facebook Brigades de solidarité populaire, Page Facebook JRG – Jeunes Révolutionnaires Genève)

15h: Aufbau a publié 4 nouveaux articles sur son site. Le premier raconte la répression à la frontière gréco-turque et est introduit par une réflexion sur le sens du mot « solidarité » lorsqu’il est utilisé dans la bouche du gouvernement suisse.
Un autre article parle du télé-travail et explique qu’on ne peut pas le considérer comme une amélioration car il contribue à l’indissociation croissante entre le travail aliéné et la vie privée. « Le fait que le travail salarié soit entièrement déplacé vers le lieu de résidence engendre de nombreux problèmes pour de nombreuses personnes […] Il semble que chaque travailleur salarié du bureau à domicile devienne un « Moi-entreprise », qui doit constamment s’efforcer de rationaliser son processus de travail ».
Le 3e texte parle de la fermeture de la frontière suisso-italienne le 13 mars dernier et du discours de la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter (PLR) qui assurait que la Suisse n’accueillerait pas de patients italiens, que les demandeur.se.s d’asile ne pourraient pas entrer non plus et qu’ils n’avaient qu’à déposer leur demande en Italie. L’article souligne que les frontaliers italiens continuent de venir travailler en Suisse. Les frontières ne sont donc pas entièrement fermées, elles sont fermées pour les personnes qui fuient la misère, mais elles restent ouvertes pour l’exploitation.
Le dernier article parle de la poussée néolibérale dans le système hospitalier suisse, et pointe du doigt le rôle des consultants dans ces contre-réformes, par exemple à l’hôpital de Zurich. La résistible montée des logiques de profit dans la santé a généré de nombreuses résistances comme durant la grève aux urgences l’année dernière en France. (source: Aufbau)

10h40: Dans le magazine catholique L’Echo (!), un article sur la colère des nettoyeuses du Centre médical universitaire (CMU) de Genève, qui est un des bâtiments de l’université. « S’il y a un lieu où l’on peut s’attendre à ce que les recommandations de l’OFSP soient respectées à la lettre, c’est bien là » dit le journaliste, mais ce n’est pas le cas. Après les mesures annoncées par le Conseil fédéral le 13 mars, rien n’a changé pour elles la semaine suivante et l’entreprise sous-traitante ne leur a pas donné les protections adéquates. Les 48 nettoyeuses de l’entreprise de nettoyage sont obligées de se changer dans le même local. « « Nettoyer les toilettes et récurer a toujours été un job pénible et ingrat estime Sofia*, ça n’est pas nouveau. Ma santé et celle de mes collègues, le stress, les problèmes chroniques de dos et de nuque dus aux cadences de travail trop élevées n’ont jamais fait partie des préoccupations de nos chefs. Mais là, avec ce virus… C’est différent. Notre vie et celle de nos proches sont en jeu! Et pourtant, on continue de nous ignorer. […] Dans ce monde, c’est un peu comme sur les chantiers: il faut bosser dur et vite et tout le monde ne parle pas français ». Elles ont eu en partie gain de cause après avoir sollicité Unia. (Source: Echo, Page Facebook Unia Genève)

10h15: Parmi les articles de camarades parus cette semaine, signalons le papier de Klaus Knamm sur le site d’Ajour Magazin. C’est une critique au vitriol de la presse bourgeoise alémanique et de l’une de ses figures tutélaires, le conseiller national UDC Roger Köppel. Celui-ci a écrit un éditorial odieux avec des considérations eugénistes et des appels à une réflexion dépassionnée sur le prix de la vie humaine. La NZZ lui a emboîté le pas quelques jours plus tard avec des thèses similaires. Pour Klaus Knamm, c’est un signe que pour ces gens  « « l’économie » est traitée comme un processus indépendant […], comme une divinité. Des vies humaines lui sont alors aussi sacrifiées encore et encore ». L’article est aussi republié sur le site Coronasoli. (source: Ajour Magazin, non traduit)

 

Samedi 4 avril

23h: Deuxième révolte aujourd’hui à Champ-Dollon. Malheureusement avec une intervention de la police et l’envoi de 20 prisonniers au mitard. « La rébellion, débutée à 15h15 après la promenade par une vingtaine de détenus qui ont refusé de réintégrer leurs cellules, s’est achevée à 20h45 […] mais avec la mise en cellule forte de tous les protestataires – qui n’étaient pas les mêmes que la veille […] Des négociations successives avaient été tentées avec la vingtaine de frondeurs qui, après avoir fait des demandes confuses, détaille Laurent Forestier, réclamaient avant tout d’être seuls en cellule. Ils ont notamment évoqué leur peur du coronavirus pour appuyer leur demande. » A l’évidence, la confusion vient plutôt du Département de la sécurité de Mauro Poggia qui ne sait plus quoi dire pour justifier l’injustifiable. Solidarité avec les prisonniers ! (source: 20 minutes)

22h45: Il est toujours possible de manifester avec la distance de sécurité. La preuve avec ce rassemblement vendredi dernier à Berne contre la détention administrative des sans-papiers. (source. Page Facebook Welcome to hell)

22h40: L’UNHCR nous apprend qu’en Suisse des réfugié.e.s s’organisent pour venir en aide à des personnes âgées ou nécessitant un coup de main pour des courses. « Nous avons vécu, et nous vivons encore, une crise en tant que réfugiés », déclare Shadi, 34 ans, originaire de Deraa, au sud de Damas, et arrivé en Suisse en 2013. « Cela nous aide probablement à comprendre plus rapidement qu’il y a une crise et comment aider. » Fort de son expérience passée, il dit encore :
« Nous savons donc ce qu’est un système médical en panne. (…) Nous connaissons des gens qui sont morts de blessures légères car ils n’ont reçu aucun traitement, et nous ne voulons pas en arriver là. Si nous sommes unis maintenant, nous soutiendrons le système médical. » Cette histoire tranche avec tant d’autres récits tendancieux que nous servent en temps normal bien des médias et des hommes politiques participant à leur façon à une longue tradition en Suisse, à savoir sa politique xénophobe envers les personnes en exil et dites étrangères. (Source: site internet UNHCR)

22h30: Sur Renversé, un témoignage venu des abords immédiats de la prison de Champ-Dollon durant la mobilisation d’hier soir (3 avril). « Nous étions tenu.e.s à grande distance par les barrages de police, les cris, les voix et les revendications des personnes détenues nous parvenaient parfaitement […] Croyez-nous, ce n’était pas les seules voix de 40 personnes qui retentissaient mais également celles des autres, probablement depuis leur cellule. […] Leurs voix étaient puissantes. Ces voix isolées, ces voix enfermées, ces voix auxquelles on essaie d’enlever toute humanité, retentissaient dans toute la campagne environnante. Et rien de plus fort et percutant que d’entendre autant de personnes crier en même temps, autant de personnes demander la « liberté », et ce, dans le contexte de crise sanitaire que nous vivons. » Il pointe aussi les zones d’ombre dans la communication de l’administration pénitentiaire : « Un autre élément complètement tu par le communiqué de l’OCD et donc par la presse est celui du résultat des négociations entretenues entre les détenu.e.s et les autorités de la prison. Comment les personnes sont-elles finalement retournées dans leur cellule ? Ont-elles été d’accord de les réintégrer ou ont-elles été forcées à le faire ? Ont-elles obtenu quelque chose ? Ou plutôt ont-elles été menacées ? » (source: Renversé)

22h: Le ralentissement des activités économiques intensifie la crise que connaît la presse écrite depuis plusieurs années. Les éditeurs mentionnent des chiffres assez vagues qui vont de 75 % de pertes chez Ringier à 400 millions pour l’ensemble des éditeurs alémaniques. L’ensemble des recettes publicitaires de la presse s’élèverait à quelque deux milliards. Les associations d’éditeurs démarchent frénétiquement la Confédération, mais, croit savoir Le Temps, Simonetta Sommaruga n’a pas encore convaincu ses collègues de lâcher 80 millions d’aides à fonds perdu. Le principe d’aides publiques directes a toujours été rejeté pour des questions d’indépendance rédactionnelle. La Confédération soutient la presse en subventionnant des tarifs postaux spéciaux pour la distribution. Une aide dont Migros et Coop ont été parmi les principaux bénéficiaires en raison de l’importante contribution au débat démocratique de titres comme Coopération, Construire ou encore Betty Bossi.

La WoZ souligne que le modèle économique du pure player alémanique Republik, pas si loin du sien ou, toutes proportions gardées, de celui du Courrier, semblent mieux à même de résister à la crise. Possible, mais cela n’empêche pas que des sommes faramineuses d’argent public (chômage partiel et subventions) seront englouties pour maintenir un système industriel qui produit une information dégradée. Ainsi, c’est TX Group – nouveau nom de Tamedia – qui a été le premier à demander de bénéficier du chômage partiel alors que, selon le syndicat Syndicom, il s’apprête à verser un dividende de 37 millions et dispose de 2 milliards de fonds propres. De même, le groupe de presse de Christoph Blocher (Zeitungshaus, anciennement BaZ Holding) a également demandé le chômage partiel pour les rédactions des 25 journaux gratuits qu’il a achetés en 2017. (source: Canal Telegram Détaché de presse)

15h: Deux collages à Zurich. « Corona krise? Kapitalismus Krise ! » [Crise du corona ? Crise du capitalisme !] et « Leben vor Profit, Unnötige Produktion stoppen! » [La vie avant le profit, stopper la production non essentielle !] (source: Page Facebook BfS Jugend Zürich)

14h25: Dans le 12h45 de la RTS, des images de Champ-Dollon hier soir où l’on entend des clameurs venir des prisonniers. Cela s’inscrit en faux avec le communiqué du DSES qui disait que le « mouvement d’humeur n’a pas suscité de tensions dans le reste de l’établissement ».
La présidente de la commission pénale de l’Ordre des avocats de Genève demande à nouveau des libérations pour désengorger la prison. Dans le journal de 12h30, le conseiller d’Etat Mauro Poggia (MCG) dit « qu’il est exclu qu’on [?] cède » en matière d’allégement de peine. « Les libérations conditionnelles se feront au cas par cas […] Une aile entière de la prison est prévue au cas où il y aurait des contaminés ». Lamentable ! N’hésitez pas à nous envoyer des informations supplémentaires, par exemple sur le sort réservé aux 43 détenus qui ont débuté la protestation: silure-news(at)protonmail(point)ch . (Source: 12h45, RTS 1, Journal de 12h30, RTS La 1ère)

11h: Autre article sur le manque de protection des assistantes médicales après l’article du Courrier d’hier, mais cette fois-ci dans la Tribune de Genève. La présidente de leur association déclare: « Le problème, c’est que les assistantes médicales osent rarement parler […] Elles restent donc seules dans leurs relations avec leurs employeurs. Leur fonction est également mal connue. Ce sont elles qui ont le premier contact avec les patients, et elles pratiquent aussi des actes médicaux, comme les prises de sang […] «Nous avons connu un pic d’appels d’assistantes médicales très inquiètes entre le 17 et le 27 mars, explique de son côté Clémence Jung, juriste au SIT (Syndicat interprofessionnel des travailleurs). C’était marquant car ce n’est pas un secteur professionnel très organisé. Ces femmes ont tellement peur qu’elles n’osent pas adhérer à leur association.» » (source: Tribune de Genève)

10h35: Argument juridique à l’appui – l’ordonnance fédérale autorise les stands alimentaires -, un collectif chaux-de-fonnier a fait plier la Ville du Haut du canton de Neuchâtel. Celle-ci autorisera dès la semaine prochaine des producteurs locaux et des maraîchers a tenir des stands en ville. Un collectif national, fraîchement créé et soutenu par le syndicat Uniterre, s’apprête à livrer bataille pour étendre cette mesure à d’autres cantons. En plus d’être une mesure inégale, un chaux-de-fonnier souligne la dimension absurde de privilégier la grande distribution sur la production locale : « On a, par exemple, la Migros qui vend des fraises en plein hiver, alors eux, ils peuvent ouvrir. Et les vendeurs de choux, des légumes de saisons, doivent rester fermés. C’est un non-sens total !» (Source : 19:30, RTS 1)

10h30: Quelques informations supplémentaires sur le mouvement de prisonniers hier soir à Champ-Dollon. Il aurait commencé vers 15h30, et aurait quand même duré un bon moment puisqu’« à 22h20, la quarantaine de prisonniers impliqués étaient à nouveau en cellule »  Du côté de l’Etat, il est dit qu’il n’y a pas eu d’ « intervention de la police » ni de « contrainte », comme si le déploiement d’un dispositif complet n’était pas en soit une contrainte… Le Courrier se demande si des militaires n’auraient pas été aussi amenés sur place. La coalition électorale Ensemble à gauche a sorti un communiqué où elle demande des libérations pour divers motifs, par exemple les personnes qui sont en prison pour infraction à la loi sur les étrangers ou « en raison de la conversion d’amendes en peine privative de liberté ». Elle demande aussi le test systématique des détenus et des gardiens. (Source: RTS, Tribune de Genève, Le Courrier, Ensemble à gauche)

 

Vendredi 3 avril

21h30: A la prison de Champ-Dollon située à Puplinge (GE), une quarantaine de détenus ont refusé de réintégrer leurs cellules à l’issue de la promenade. Cette prison est, rappelons-le, dramatiquement surpeuplée. « A 19 heures, ils n’avaient toujours pas obtempéré aux injonctions des gardiens ». Les prisonniers se plaignent de leurs conditions de détention et demandent plus de libérations conditionnelles. La police a bouclé tout le secteur. Et quoiqu’en dise le porte-parole de l’office cantonal de la détention, leurs revendications sont on ne peu plus claires : sport et… liberté !  Sur une vidéo postée par une journaliste, il y avait encore des clameurs provenant de la prison à la tombée de la nuit. (Source: 20 minutes, RTS, @AmosFlore sur Twitter)

17h50: Ce suivi aimerait aussi parler des zones frontalières mais c’est difficile d’avoir des informations, écrivez-nous si vous en avez! Dans la PQR, on apprend que l’administration de la région Auvergne-Rhône-Alpes est sensée avoir donné des directives pour désengorger les prisons mais les sorties ont été plus que modestes. « Une trentaine de détenus en fin de peine sont sortis la semaine dernière de la maison d’arrêt de Bonneville, en Haute-Savoie. Des libérations qui soulagent un peu mais ne désengorgent pas le centre pénitentiaire totalement saturé. En janvier 2020, la surpopulation à la prison de Bonneville atteignait 182,4 % dans le quartier des hommes », soit 228 détenus pour 125 places théoriques. Les détenus sont souvent à deux ou trois dans des cellules et les syndicats de matons craignent une situation « à l’italienne ». (Source: Dauphiné Libéré)

17h45: Dans la Tribune de Genève, un article sur les conditions de travail à la Protection civile où les civilistes sont mobilisés pour diverses tâches dont l’organisation de certains hébergements pour sans-abris (et bientôt la Caserne des Vernets). Il n’y a pas de masques, la planification est déficiente et ils sont souvent les uns sur les autres. « Ce manque de précautions et d’instructions aurait toutefois conduit des miliciens à ne plus se représenter, de peur de «mettre en danger» leurs proches. » (source: Tribune de Genève, via email)

17h20: Le Secours rouge Genève a publié un tract et une affiche sur Facebook. « Partout en Europe les systèmes de santé sont dans une situation proche de l’explosion. La Suisse ne fait pas exception. […] Cette situation n’est pas le résultat de l’arrivée du nouveau virus. Il s’agit du bilan de la politique des gouvernements capitalistes libéraux pour qui le profit passe avant tout. La privatisation et la « rationalisation » du système de santé ont créé cette situation. En cherchant à toujours gagner plus et à n’importe quelle condition, ils nous ont toutes et tous mis en danger. Aujourd’hui c’est une fois de plus les travailleur.euse.s et les classes populaires qui en payent le prix fort ! » (source: Page Facebook Secours rouge Genève)

17h15: Le conseiller d’Etat argovien en charge de la sécurité Urs Hofmann (PS) a eu la riche idée de donner le champ libre à la police pour avoir accès à toutes les caméras et à en installer de nouvelles à sa guise. C’est passé hier par ordonnance. Ce grand socialiste se justifie en arguant qu’il n’y a pas assez de policiers par habitant dans son canton. « Grâce à la surveillance en temps réel, la police dispose d’un moyen efficace pour vérifier si les personnes se trouvant à certains endroits respectent les règles de distance ». (source: email, La Presse, RTS La 1ère et Aargauer Zeitung)

17h: Encore dans Le Courrier, un article sur les assistantes médicales « mal protégées ». Elles travaillent souvent dans des cabinets de généralistes ou dans les permanences médicales. « «Ces assistantes avaient notamment des questions sur la fréquence à laquelle un masque doit être changé, n’osant pas interpeller le médecin par crainte d’être licenciées ou après avoir reçu des réponses paternalistes», explique Mme Jung. […] Anna Gabriel, du syndicat Unia avec qui collabore l’Agam, affirme […] que «les assistantes médicales sont un peu les oubliées du personnel de santé dans cette crise». Elle demande aux autorités cantonales d’établir des recommandations plus précises pour les cabinets. » (source: Le Courrier, via email)

15h: La prison du Simplon à Lausanne va être fermée la semaine prochaine. Elle est dédiée aux peines de moins de 12 mois et ses 26 détenus y étaient emprisonné la nuit et le week-end. « Les détenus auront le choix (sic) de reporter l’exécution de leur peine à des jours meilleurs, ou de la poursuivre en régime ordinaire dans une autre structure, comme la prison de la Croisée. »
Contrairement à Genève, les parloirs sont supprimés dans les prisons vaudoises mais il y a pris quelques changements pour les détenus: « L’affranchissement en courrier B de leurs lettres est offert, ils peuvent recevoir un colis de 6 kilos par semaine au lieu de 6 par an et ont un accès accru au téléphone – minimum deux fois par semaine […].  La rémunération est garantie pour ceux dont le travail en atelier a dû être suspendu, distanciation sociale oblige. «Et ceux dont l’atelier est maintenu car indispensable, comme la buanderie ou la cuisine, reçoivent 120% de leur rétribution.» » (source: Acta et 24 heures)

10h40: D’abord la RTS, puis le Temps, les médias passent la pommade aux policiers suisses dans tous les formats possibles. Du côté du Temps, nous avons le droit aux fulgurances sur la vie de la sous-officière Claire Berset : « On perçoit un salaire pour un métier qui n’est pas sans risque, et c’est toute l’année. » (Comme tous les salariés, en somme). Sur la RTS, on se penche (au risque d’y tomber) dans la tête des policiers et l’on apprend que ces chevaliers contemporains qui nous protègent de notre côté obscur sont « parfois confrontés à la mort » (Comme tout le monde, en somme). Mais ni la RTS, ni le Temps ne parlent de la descente de la police de l’Ouest Lausannois pour contrôler et évacuer les sans-abris qui vivaient sur le terrain attenant au Sleep-In de Renens (fermé dans ce contexte) sous prétexte de COVID-19. Malgré la pandémie, certains réflexes policiers ne changent pas. (source: Canal Telegram Détaché de presse, page Facebook Association Sleep-In)

10h30: Dans la presse, un article sur les « femmes de ménages, nounous, aides à domicile et autres employées de maison [qui] se retrouvent privées de tout ou partie de leurs revenus à cause des mesures de confinement ». Le syndicat SIT a rédigé un cahier de doléances à l’Etat, et demande la « création d’allocations forfaitaires temporaires de pandémie » à 3320 francs bruts mensuels. On rappelle que malgré l’opération Papyrus il y a encore plusieurs milliers de travailleuses sans-papiers dans le canton de Genève. « Le syndicat reçoit chaque jour des dizaines d’appels d’employées de maison catastrophées. «Leurs employeurs les congédient du jour au lendemain parce qu’ils ont peur d’être contaminés ou parce que, étant euxmêmes confinés, ils n’ont plus besoin de leurs services, par exemple pour garder les enfants», constate Mirella Falco, en charge de l’économie domestique au SIT. » Le SIT veut aussi des engagements de l’Etat pour qu’il ne transmette pas les informations sur ces employées à la police des étrangers. (source: Tribune de Genève, Le Courrier)

10h15: Le téléjournal d’hier a fait un petit reportage sur le travail de l’association Fleurs du pavé, qui essaie de garder un lien social avec les travailleuses du sexe à Lausanne malgré la pandémie. Le travail du sexe a été officiellement interdit par l’Etat, mais seules les prostituées avec des papiers valables peuvent avoir droit à l’allocation perte de gain. Pour les autres, il n’y a aucun revenu et donc un grand risque de prostitution clandestine. (Source: 19h30, RTS 1)  

10h10: Dans les pages Carrières du Temps, un article sur les personnes que « le virus a forcé à changer d’emploi ». Pour la deuxième fois, la boîte d’intérim Coople, « plateforme numérique pour les emplois flexibles », se paie une publicité gratuite dans ce journal. Un start-uppeur est devenu agent de sécurité dans un supermarché, des esthéticiennes travaillent dans l’électronique, un cuisinier est devenu manutentionnaire. On insiste de façon démesurée sur le côté enrichissant de l’expérience. Or, ce n’est pas le virus qui les a fait changer d’emploi mais bien le fait qu’en tant qu’indépendants ils n’avaient pas le choix pour s’assurer un revenu. Le boom du travail sur appel est l’un des aspects les plus cyniques de la crise actuelle et contrairement à ce qu’affirme Le Temps, il n’a rien de romantique et nous ramène plutôt des siècles en arrière. (source: Canal Telegram Détaché de presse & Le Temps)

9h30: Anticipant un manque de personnel, des cantons et hôpitaux suisses ont écrit à des médecins installé.e.s ou retraité.e.s, ainsi qu’à des étudiant.e.s en médecine et soins infirmiers en fin de formation. Un appel auxquel ont répondu quelques 800 volontaires pour les HUG, 380 à Fribourg, 200 à Neuchâtel et 1’200 à Berne. La Matinale note l' »ampleur de la solidarité parmi les professionnels de la santé » en Suisse. Témoigner d’actes de solidarité n’est pas insignifiant, espérons que les médias continueront après la crise. Cependant, rappelons aussi que nous observons aujourd’hui l’impact d’une série de coupes budgétaires drastiques imposées aux HUG, à la suite de l’intervention de boîtes de consulting privées. (Source: La Matinale, RTS La 1ère)

8h45: Sur Barrikade, un appel pour une journée d’action contre le régime des camps d’asile fédéraux le dimanche 5 avril prochain. Le texte explique que les camps fédéraux ne sont pas adaptés à la prévention et qu’il vaudrait mieux les fermer et réquisitionner les hôtels et les espaces vides pour les migrants qui sont forcés d’y loger. Il explique aussi qu’à Bâle, on a déplacé une cinquataine de personnes du camp fédéral… pour les loger dans des bunkers ! Notons qu’à Genève, les bunkers ne sont plus utilisés pour loger les requérants d’asile après une importante mobilisation en 2015 et l’occupation du théâtre du Grütli. Les photos/vidéos sont à envoyer à kontakt(at)3rgg.ch. (source: Barrikade, non traduit)

8h: Dans Le Temps, un article pro-patronal sur le travail sur les chantiers. En Valais, « le service d’inspection du travail […] a ordonné mercredi la fermeture de quatre chantiers. Une annonce survenue quelques jours après une interpellation politique rarissime: cinq élus cantonaux, représentant les principales forces politiques du pays, ont enjoint à leur gouvernement de fermer provisoirement les chantiers. » L’article donne la parole au syndicat minoritaire Syna, très proche du patronat et qui sans surprise est pour la poursuite du travail. Enfin « à Bâle, un ouvrier qui a publié sur Facebook une photo d’un rassemblement sur le chantier géant de la tour de Roche a été licencié. » (source: Le Temps)

Jeudi 2 avril

17h50: Dans le 24 heures d’hier, un article sur le travail dans les usines à laver les draps « infectés » par le virus. Ce travail est fait par des femmes souvent originaires du Portugal. « [O]n lave les draps des malades mais nous, personne ne nous applaudit ». Des employées des Blanchisseries générales (LBG) d’Yverdon ont demandé par le biais d’Unia « le paiement d’une prime de risque hebdomadaire jusqu’à la fin de la pandémie » ainsi « des aménagements des horaires de travail pour éviter les regroupements, les distances de sécurité entre travailleurs n’étant souvent pas respectées ». (source: 24 heures)

16h: La page Facebook « Corona Virus : faisons payer les riches » a traduit la revendication d’une action banderole à Bâle avec une grande banderole pour l’arrêt du travail: « Stopper la production non-essentielle. Avec les salaires entiers ». Il y a une vidéo de cette action. « Le chantier de prestige de Roche à Bâle continue de fonctionner – même si les premiers cas de corona ont déjà eu lieu sur le chantier. Les entreprises se fichent de la santé des gens. »

Sur le site du Aufbau, il y a aussi une interview datée du 29 mars avec un maçon qui raconte les conditions de travail sur les chantiers de Zurich. Il raconte qu’en plus d’être exposés au virus, ils n’ont plus de masques pour se protéger contre la poussière. Le fait que les ouvriers du bâtiment continuent de travailler représente « une dévalorisation supplémentaire de notre profession et de notre identité qui fait clairement ressortir que notre santé et celle de nos familles valent moins que celle d’autres parties de la société »

Il y a aussi eu un deux grands tags sur le mur d’un chantier de Zurich. « Gesundheit statt Profit. Solidarität mit allen Arbeitenden. Streik und Widerstand » [La santé plutôt que le profit. Solidarité avec les travailleurs. Grève et résistance]

« Les applaudissements ne paient pas le loyer. Exproprier et collectiviser les logements. »
(sources: respectivement pages Facebook « Corona Virus : faisons payer les riches », « Organisierte Kämpfen » et site du Aufbau) 15h30: Affiche à Genève dans le quartier de la Jonction « L’austérité tue (maintenant c’est prouvé !) ».

(source: email)

15h20: Autopromo, le Silure a publié un excellent article sur la façon dont le gouvernement suisse gère la crise et les rapports de force qui se sont dessinés sur la question de l’arrêt du travail. Le texte brosse une chronologie de ces deux dernières semaines et montre comment les centrales syndicales nationales se sont progressivement alignées sur les positions anti-shutdown du Conseil fédéral. « Cette réalité dans laquelle, pour préserver la machine économique, on surveille massivement et on sélectionne les vies qui méritent d’être sauvées, peut sembler un scénario fou ou digne de la science-fiction. Mais, il y a quelques semaines encore, qui aurait prédit ce que nous vivons aujourd’hui ?  » (source: Silure et Renversé)

15h: Sur Renversé, un article critique la poursuite des procédures d’asile par le SEM et informe qu’une personne migrante est touchée par le coronavirus au foyer du Lagnon à Bernex (GE) et que « rien n’est mis en place dans ce foyer pour prévenir toute contagion pour les autres résident-e-s ». Il y a aussi des infos sur la situation au camp fédéral de Boudry (NE): « La promiscuité est toujours la règle dans les structures du centre, les requérant.e.s étant logé.e.s dans des dortoirs de 6 à 12 places. Les personnes vulnérables et en mesure de confinement total sont logées dans la troisième aile récemment inaugurée. Le problème : le nombre de personnes concernées et le peu de place en chambre les fait les loger dans des couloirs. Ces personnes pointent à nouveau du doigt la promiscuité mais aussi le manque de suivi : interdiction de balade, accès très restreint à des achats (carte de téléphone, etc.), manque de nourriture. Les personnes qui passent en procédure élargie (plus de 30 jours), le plus souvent pour des questions de santé, sont transférées dans des centres cantonaux déjà surchargés dans lesquels la situation n’est pas plus favorable. » (source: Renversé)

13h25: Le Conseil fédéral maintient et signe sa politique funeste : pas d’arrêt des procédures d’asile, ni des expulsions. La concession du délai de recours contre une décision du SEM passé de 7 à 30 jours ne changera rien. Non seulement les requérant.e.s vont continuer à être contraint.e.s de voyager pour être auditionné.e.s à Berne, exposant ainsi leur santé et celle de la communauté, mais le conseil juridique lors de ces auditions n’est plus garanti. Le Courrier souligne que « préserver la santé des réfugiés, en Suisse déjà, passe visiblement après la volonté de délester le système. On ne change pas une formule qui gagne. » Un autre sordide exemple qui montre comment la prévention n’a pas cours pour certaines catégories de la population. (Source: Canal Telegram Détaché de presse + Le Courrier)

13h15: Unia Genève estime que trop de gens se font livrer des repas avec les plateformes Smood, Ubereats ou EatCH au lieu de cuisiner eux-mêmes. Les livreurs sont exposés et pourraient même être des propagateurs du virus. Unia s’oppose aussi au plan du conseiller d’Etat Pierre Maudet (PLR) qui veut pousser les restaurants au tout-numérique. Le syndicat propose plutôt de renforcer le Service nutrition de l’Imad, qui livre des repas aux personnes vulnérables. (source: Le Courrier)

13h: Le magistrat PS Grégoire Junod permet aux chantiers commandés par la Ville de Lausanne de réouvrir si les entreprises prouvent qu’elles ont pris des mesures. Lesquelles? On ne sait pas. La démarche est discrétionnaire puisqu’une commission de 3 personnes (un membre de l’organisation patronale, un membre d’Unia et un membre du Service d’architecture) rendront leurs décisions au cas par cas. (source: 24 heures)

11h51: L’hébergement d’urgence a connu pas mal de changements l’an dernier à Genève avec la création du CAUSE, une coordination d’associations et de personnes actives sur le terrain qui ont reçu des subventions pour ouvrir des nouveaux lieux d’accueil de nuit. Leur travail a été salué et ils pensaient obtenir une perénnisation de leur action mais c’est le contraire qui arrive. Avec le corona, la magistrale des Verts Esther Alder réquisitionne la Caserne des Vernets mais refuse que le CAUSE gère ce nouvel espace. Outre ce lâchage en bonne et due forme, le personnel du CAUSE critique le fait que la structure des Vernets sera fermée aux mineurs non accompagnés (MNA), aux usagers de drogues ainsi qu’aux travailleuses du sexe alors que ces trois populations venaient régulièrement dans les hébergements d’urgence qu’il gérait durant l’hiver. (source: Tribune de Genève, Le Courrier, email)

10h40: Après la grève spontanée du 17 mars à l’entreprise HRS, la TdG parle des pressions des maîtres d’ouvrage et de certaines fractions du patronat pour rouvrir le maximum de chantiers dans le canton de Genève. Pour rappel, le 25 mars, le Conseil d’Etat genevois a réautorisé l’ouverture des chantiers pour éviter un conflit avec le CF, et ce, au mépris de la santé des ouvriers. L’article raconte une intervention syndicale hier au siège d’une entreprise d’échafaudage qui veut que son personnel retourne au turbin. « Une dizaine d’entre eux ont refusé de travailler car les mesures sanitaires n’étaient pas respectées.» Elle évoque des transports réalisés avec plusieurs ouvriers dans le même véhicule ou l’absence de produits désinfectants. «En outre, comment voulez-vous que les ouvriers se tiennent à deux mètres de distance sur la passerelle d’un échafaudage? interroge Camille Layat. Et comment éviter de ne pas toucher les mêmes outils et les mêmes pièces de montage?» » (source: Canal Telegram Détaché de Presse et Tribune de Genève)

 

10h24: Même la droite valaisanne demande la fermeture des chantiers. Le conseiller national PDC Sidney Kamerzin souligne l’incohérence de la position du Conseil fédéral: « appliquer des normes de sécurité » qui sont en réalité inapplicables sur le terrain et ne pas indemniser le personnel. Il note: « on dit aux entrepreneurs: « Vous devez fermer parce que vous n’appliquer pas ces normes, mais on ne vous verse pas les indemnités parce que vous devez prendre toutes sorte de mesures très couteuses pour vous conformer au droit. » Là, on a vraiment un double message contradictoire. » (source: La Matinale, RTS La 1ère) 

Mercredi 1er avril

17h46: Un article publié aujourd’hui sur Renversé propose un grand « banderole game » :
« Les revendications sont multiples mais se rejoignent dans le refus des travailleur.ses et des plus précaires de payer la crise sanitaire. Défendre ensemble la solidarité comme antidote à la crise face à l’individualisme de la société néo-libérale.
Que ça soit pour soutenir le personnel soignant, dénoncer le traitement subi par les réfugié.e.s, exiger un salaire de confinement pour tous et toutes, appeler à la grève des loyers, rappeler le rôle catastrophique des politiques, soutenir les femmes contre les violences sexistes, promouvoir l’entraide et le mutualisme dans nos quartiers, etc… Faisons fleurir des banderoles aux fenêtres et aux balcons !
Même confiné.e.s restons déters ! »
Les images sont à envoyer par la page Facebook Feu au lac et il y a des prix à gagner.

(source: Renversé) 12h09: Banderole à Genève sur la façade de l’Usine. « No borders, no prisons. Stoppons le virus sécuritaire ». (source: email)
10h40: Dans Le Temps, article sur les start-up qui gagnent beaucoup d’argents avec la crise du coronavirus avec l’exemple de l’entreprise zurichoise Coople, « spécialisée dans le placement de temporaires « last minute » […] « Du jour au lendemain, toute la demande s’est concentrée sur le secteur de la vente d’alimentation. » Selon lui, une chaîne de supermarchés a mis Coople en concurrence avec une agence de placement traditionnel. Objectif: trouver 800 personnes en 48 heures. C’est, assure-t-il, l’algorithme qui l’a emporté ». (source: Le Temps) 10h17 L’excellente revue de presse alémanique Antira(point)org du 30 mars aborde l’incidence du coronavirus sur les immigrés en Suisse. Au sujet des camps d’asile fédéraux, des témoignages venus de Rohr (ZH) et de Bâle confirment que les distances de sécurité sont impossible à respecter en raison de la promiscuité [voir aussi l’article sur le foyer de Gavard plus bas]. La décision du Conseil fédéral d’autoriser les entreprises à faire travailler leurs employés mêmes s’ils font partie des catégories vulnérables va avoir un impact désastreux sur les femmes migrantes qui sont surreprésentées dans certains secteurs. Les douaniers refoulent les personnes qui veulent demander l’asile en Suisse. La fermeture des deux centres de rétention du canton de Genève (Frambois et la Favra) est saluée même si un détenu positif au covid-19 a été transféré à Champ-Dollon. Dans d’autres cantons, les centres de rétention continuent d’enfermer des immigrés alors même que les renvois sont suspendus jusqu’à nouvel ordre, Antira estime que la « dernière pseudo-légitimation » est tombée et que ces centres doivent libérer tous leurs détenus. Elle espère aussi que la lutte contre l’enfermement des migrants se poursuivra après la pandémie. (source: Barrikade, non traduit) 9h31: Banderole vue à Genève dans le quartier des Eaux-Vives. « _Arrêt de toutes les activités non essentielles. Pour ne pas avoir à choisir qui sauver ! Nos vies valent plus que vos profits_ » (source: email)

9h20: Dans le 19:30 d’hier, on se demande si le coronavirus ne va pas conduire à une nouvelle hausse des primes maladie alors que les coûts de la santé sont déjà exorbitants en Suisse. Espérons qu’il y aura des résistances contre cette grossière tentative de faire payer à la population le coût de la crise. (source: 19:30, RTS 1)

9h09: Certaines entreprises suisses font le maximum pour ne pas arrêter leur production, c’est le cas de l’industriel ABB actif dans les technologies de l’énergie et de l’automation. Dans les cantons de Zurich et d’Argovie (peut-être aussi ailleurs?), ABB a fait passer un test à l’ensemble de ses employés. Cette initiative visait surtout à les faire continuer à aller au turbin. Un membre de l’OFSP rappelle que la période d’incubation au Covid-19 peut aller jusqu’à deux semaines. Fin 2017, une grève avait eu lieu sur le site d’ABB Sécheron de Satigny (GE) contre sa fermeture. (source: revue de presse RTS La 1ère et Tages Anzeiger)

9h05: Quatre portraits de travailleuses et travailleur freelance du monde culturel dans la Tribune de Genève. Ils n’ont plus de revenus du jour au lendemain. Comme les intérimaires, on a recours à eux pour « compléter les équipes » et ils sont exclus des aides du CF. (source: TdG)

8h45: L’économiste à l’Université de Genève Bruno Amable a signé une tribune hier dans Libération où il critique la gestion de la crise sanitaire par le gouvernement français. « [T]out le monde voit bien le lien qui existe entre la baisse des moyens de l’hôpital public et la difficulté à réagir à la pandémie » C’est l’une des premières interventions critiques venue du champ de la recherche en sciences sociales en Suisse, qui jusqu’à présent était resté assez aphone. (source: Libération)

8h12: Les prisonnières de la Tuilière à Lonay (VD) ont adressé une pétition aux autorités pénitentiaires contre la suppression des parloirs. Elles protestent notamment contre son impact sur leurs relations sociales et le fait de ne plus pouvoir voir leurs enfants. La pétition date du 18 mars dernier. (source: Journal de 8h, RTS La 1ère)

8h08: Sur Swissinfo, un informaticien de la Haute école spécialisée de la Suisse italienne s’inquiète des mesures de surveillance téléphonique qui vont se mettre en place en Suisse. Il pointe le fait qu’elles vont se prolonger et devenir une surveillance permanente de l’État. « Tout le monde dit que cela n’arrivera jamais, mais c’est techniquement possible » (source: Swissinfo et Canal telegram Détaché de presse)

 

Mardi 31 mars

18h58: Durant la « besondere Lage », le business militaire continue. L’entreprise d’armement RUAG (propriété de l’Etat suisse) continue sa production comme si de rien n’était et indique qu’elle n’a pas eu besoin de faire recourt au chômage partiel car les exportations d’armes vers les pays étrangers se poursuivent comme d’habitude (source: Tribune de Genève, signalé par email)

16h40: Dans le Courrier d’aujourd’hui, tribune commune de Jean Ziegler, du sociologue Ibrahima Guissé et d’un député pour demander une intervention du Conseil fédéral pour accueillir des migrants prisonniers dans les « hot spots » des îles grecques, mais aussi une demande d’arrêt des décisions du SEM quant aux demandes d’asile. « [D[ans la situation actuelle, renoncer aux entretiens et aux auditions pour protéger la santé des requérant-e-s d’asile […] est une nécessité » (source: Le Courrier)

14h52: Le 20 mars dernier, le Conseil fédéral a modifié unilatéralement les textes de loi pour retirer le droit au repos du personnel soignant, ce qui a provoqué beaucoup de colère dans le pays. Le SSP a lancé une pétition en ligne qui a dépassé les 30’000 signatures. Dans Le Temps d’aujourd’hui, un médecin assistant à Lausanne déclare. «Tous les collègues s’étaient déjà organisés pour faire face à la vague et, soudainement, le Conseil fédéral décide qu’il a la mainmise sur tout. Comme s’il fallait nous contraindre pour que nous ne désertions pas… C’est ça, l’image qu’ils ont du personnel soignant? Pour moi, la confiance est brisée. Pour l’instant, on se concentre sur les patients, mais dès que la crise est finie, je descends dans la rue!». A l’inverse, H+, l’organisation nationale des hôpitaux, cliniques et institutions de soins publics et privés est très satisfaite de cette « flexibilité ». (source: Le Temps)

13h02: Comme vous le savez peut-être, le centre autonome Silure récolte et publie des témoignages sur le monde du travail ou la précarité sociale dans le contexte de la pandémie. Après un premier entretien avec un homme confiné dans sa voiture, il publie aujourd’hui un second entretien avec un éducateur travaillant aux EPI. Il parle du manque de matériel de protection et de directives claires alors que les personnes suivies aux EPI ont parfois de forts troubles psychiatriques. (source: Silure + Renversé)

12h51 : La section genevoise d’Unia dénonce le fait que de nombreux intérimaires n’ont pas le droit aux RHT. Leurs contrats ont été résiliés très rapidement et ils ne sont pas considérés comme les salariés fixes. Témoignage de trois temporaires qui travaillent dans l’hôtellerie, une manufacture horlogère et à l’aéroport sur les difficultés rencontrées. (source: Unia Genève)

12h40: Contrairement à d’autres pays, l’Etat suisse continue à procéder à des interrogatoires dans le cadre des procédures de demandes d’asile. La coordination SCCFA qui regroupe les associations caritatives qui travaillent dans les centres fédéraux appelle à l’arrêt des procédures. (source: RTS)

9h38: Le Bewegung für Sozialismus a publié hier sur son site un article bien documenté sur la marchandisation du système hospitalier suisse depuis les années 1990 et son impact sur le personnel soignant (majoritairement féminin) en terme d’intensification du travail. (source: BfS, non traduit)

8h55: Action banderole hier à Zurich « Gegen häusliche Gewalt & Isolation. Für die feministische Revolution » [Contre les violences domestiques et l’isolement. Pour la révolution féministe] (source: Facebook Revolutionäre Jugend Zurich – RJZ]

Lundi 30 mars

20h25: D’après la CGAS, une soixantaine d’annonces de réouvertures de chantiers ont été émises pour aujourd’hui à Genève suite à la décision du Conseil fédéral de la semaine dernière. L’intersyndicale « condamne par ailleurs fermement la tentative de la centrale zurichoise de la Société suisse des entrepreneurs (SSE) de reporter la responsabilité du respect des normes sanitaires sur les travailleurs, en les obligeant à signer une « auto-déclaration » selon laquelle c’est à eux « d’appliquer les mesures de protection. » » (source: CGAS)

19h52: Un appel a été lancé à Milan et Paris pour la création de brigades de solidarité populaire. L’Action Antifasciste Genève y a répondu et a constitué une Brigade « Yvan Leyvraz » en mémoire du brigadiste internationaliste suisse assassiné par les « contras » au Nicaragua en 1986. Elle a participé à des maraudes le week-end dernier aux côtés des bénévoles de l’association Swiss Gambia Solidarity dans le quartier populaire des Pâquis.

Il y a aussi eu plusieurs actions banderoles. (Source: Facebook Action Antifasciste Genève)

14h36: Les chantiers du canton de Vaud sont autorisés à réouvrir depuis ce lundi matin suite à la décision du Conseil fédéral de retirer les possibilités de s’inscrire au chômage partiel si les cantons mettent à l’arrêt des secteurs économiques entiers. « C’est un pas en arrière et une bêtise » déclare un syndicaliste d’Unia Vaud (source: 24 heures)

13h02: Les foyers pour requérant.e.s d’asile comme celui de Gavard à Carouge (GE) sont connus pour leur surpeuplement et les directives données par la direction de l’Hospice interrogent. Lorsqu’un cas de Covid-19 se déclare en foyer, il faut faire des « réaménagements pour les isoler le plus possible des autres ». Quid d’un relogement dans des appartements, hôtel vides ou dans le parc immobilier de l’Hospice comme l’exige le Collectif des déboutés? L’institution, qui a une longue histoire d’imposition de la promiscuité à ses « bénéficiaires » (bunkers, chambres, espaces communs exigus et surpeuplés), répond que c’est une solution « inadéquate […] Ce n’est pas idéal pour le suivi. La dispersion limiterait notre prise en charge. Avoir les personnes au même endroit nous permet une vue plus globale de la situation. » Le contrôle social des immigré.e.s passe avant la prévention. (source: Le Courrier)

10h: Droit du travail: Le Conseil fédéral a modifié le 20 mars dernier l’article de son ordonnance sur la protection des plus de 65 ans et des groupes à risques (personnes vulnérables, immunodépressifs, etc). Désormais, ces derniers peuvent être obligés à aller travailler par leur employeur. « Ces gens sont morts de peur », prévient l’USS. (source: Tages Anzeiger)

Ce suivi live a pour but de recenser toutes les informations relatives aux luttes sociales en période d’état d’urgence sanitaire car celles-ci se perdent dans les énormes flux d’informations qui sont actuellement disponibles sur le web. Il est participatif et vous pouvez envoyer en tout temps des infos ou des liens à l’adresse silure-news@protonmail.ch (et pas à l’adresse email normale du Silure, svp). Le live sera réservé à la Suisse ainsi qu’aux zones frontalières pour des questions pratiques mais nous vous invitons à consulter celui qui est fait par le site ACTA (qui fait une chronologie surtout axée sur la situation française) ainsi que les suisse-allemands de Coronasoli.