Programme d’activités : Octobre 2020

À vos agendas ! Au programme, une nouvelle phase dans la vie du Silure avec la création d’une assemblée publique, Lordon et toujours les activités régulières.

 

Vendredi 9 octobre – 18h30 (accueil) / 19h (début)
Première assemblée publique du Silure

Qui sommes-nous ? Le Silure a d’abord été un lieu ouvert en 2017 par différents collectifs (collectif autonome D, collectif sans retour, Groupe d’Action Féministe et Infokiosque). En 2019, des membres de ces différents collectifs se sont rassemblé.e.x.s pour créer le collectif Le Silure. La réorganisation a eu lieu dans la volonté de tisser des liens entre les luttes et de développer un parti pris politique qui aille au-delà des spécificités de chacune de ces luttes et ce sur le long terme. Le lieu du Silure, au 3 sentier des Saules, sert de base à plusieurs activités publiques comme les cantines, les permanences d’aide juridique et la bibliothèque autogérée. Par ces activités, le Silure cherche à être une zone de contact et d’échange avec celles et ceux qui l’entourent.

Pourquoi une assemblée ? Le collectif Le Silure ressent l’envie d’ouvrir ses activités et les luttes qu’il suit à plus de personnes, à la fois pour qu’elles représentent une force de plus en plus grande, mais également qu’elles soient nourries par de nouvelles propositions. C’est pourquoi il invite largement à sa première Assemblée publique. Lors de ce rendez-vous, le collectif présentera la nouvelle forme d’organisation qu’il a imaginé pour le Silure et les luttes en cours auxquelles il participe. Cette Assemblée et son rôle dans la vie du Silure se construira à travers les propositions et remarques des personnes qui y participent.

Soyons plus nombreu.se.s.x pour plus d’autogestion, plus de luttes, plus de solidarité !

 

Vendredi 16 octobre – 18h30
Discussion sur le livre “Vivre sans ? : institutions, police, travail, argent…” (La Fabrique, 2019) de Frédéric Lordon

Le Silure propose une restitution des discussion qui ont accompagné la lecture de ce livre de Frédéric Lordon. À l’aide de quelques extraits du livre, nous verrons comment sa critique de ce qu’il identifie comme les courants antipolitiques du “vivre sans”, c’est-à-dire sans institutions définies comme “mode d’être du collectif”, peut nous faire réfléchir aux changements auquel nous aspirons, et aux moyens à mettre en oeuvre. Au-delà des nombreux problèmes qu’il faut relever dans l’ouvrage, peut-il nourrir une analyse et une pratique émancipatrice ? Que tirer de l’opposition que formule l’auteur entre une politique du désir et de l’imaginaire, qu’il condamne à rester à la marge, et une politique du nombre, des masses, de l’institution qu’il promeut ? Comment poser la question de l’échelle d’un changement possible, face à l’hégémonie du capitalisme ? Et surtout, est-ce que cette lecture nous permet d’avancer dans l’identification des obstacles qui nous empêchent d’oser formuler des propositions, voir de trouver des pistes pour les lever ?
PS : Lordon ne sera pas présent.

 

Activités régulières


Cantines : Les cantines ont repris mi-septembre et continuent tous les vendredis et samedis de 12h à 14h dans le respect des mesures sanitaires.

Bibliothèque-infokiosque au Silure : Les permanences biblio hebdomadaires ont lieu tous les vendredis de 17h à 20h. Ces permanences servent à emprunter des livres, chiner dans la collection, amener de la distro ou juste discuter autour d’un verre. Le catalogue est toujours accessible en ligne. Il n’est bien sûr pas exhaustif, mais ça donne un aperçu d’une partie de la collection. Vous pouvez y accéder en cliquant sur le texte ci-dessous. Attention, la permanence du vendredi 23 octobre est annulée pour cause de vacances et celle du 30 octobre est annulée en raison de la Critical Mass.

Suivi des luttes : Octobre 2020

Suivi des luttes : Octobre 2020

Quelques informations sur l’actualité des luttes à Genève et ailleurs.

#Manif22septStopIsolation

Les camarades d’Antira ont compilé des articles sur la manifestation « Stop Isolation » du mardi 22 septembre à Berne qui a été réprimée au canon à eau et aux balles en caoutchouc par la police. Cette manifestation demandait la fermeture des centres fédéraux, elle a été négligée dans les médias au détriment de l’occupation de la Place fédérale par les grévistes du climat.
https://renverse.co/infos-locales/article/non-au-centre-federal-de-renvoi-2771

#Manif3octobreGrandSac

Une manifestation est convoquée le samedi 3 octobre à 14h à Genève, Place de la Navigation contre la construction d’un centre fédéral pour requérants d’asile au Grand-Saconnex (GE). Ces centres ont tout d’une prison, ils sont pensés pour y enfermer des familles entières et ceux qui ont déjà été construits ces dernières années dans le canton de Fribourg et en Suisse alémanique sont l’objet de luttes réclamant leur fermeture car les abus de pouvoir y sont légion.
https://renverse.co/infos-locales/article/non-au-centre-federal-de-renvoi-2771
https://renverse.co/infos-locales/article/action-contre-le-centre-federal-de-renvoi-2765
https://renverse.co/infos-locales/Pas-de-centre-federal-au-Grand-Saconnex-ni-ailleurs-1413 (2018)

#Manif31octobreMike

Une manifestation aura lieu à Lausanne le samedi 31 octobre prochain à 16h – Place de L’Europe pour exiger la justice pour Mike, mort entre les mains de la police en 2018 alors que le procès des agents se fait attendre.
http://www.instagram.com/collectifkiboko/

#CitéLéopardEnLutte

À Carouge (GE), la lutte des locataires de la Cité Léopard a connu quelques victoires d’étapes : alors que les locataires craignaient une expulsion au mois d’août (des courriers menaçants avaient été envoyés par la régie Gerofinance-Dunand), la SUVA (propriétaire des lieux) ont annoncé que ce ne serait pas le cas et qu’aucune expulsion ne sera prononcée. Des promesses ont été faites tant par la SUVA que la maire PS de Carouge de reloger l’ensemble des locataires à la fois dans le parc immobilier de la SUVA et dans les fondations immobilières de droit public. Actuellement, six familles ont déjà obtenu un relogement et un banquet populaire a réuni une cinquantaine de personnes sur place dimanche 27 septembre. La lutte continuera jusqu’à un relogement intégral de toutes les personnes vivant à la Cité Léopard. Prochaine assemblée le lundi 2 novembre sur place à 18h accueil / 18h30 début.

#RenduProcèsAyop2018

A la fin du mois d’août, le Silure a dénoncé un acharnement judiciaire après la poursuite d’une de nos membres pour un “débordement de trottoir” de la manifestation de solidarité avec Ayop, ex-habitant du foyer des Tattes, le 19 octobre 2018. Le rendu est tombé le 1er septembre dernier et il condamne notre amie à une amende de 400 frs (250 frs et 150 frs de procédure), ce qui ne change rien à la légitimité absolue de notre démarche lors de cette manifestation. Le juge Olivier Lutz (PS) a prouvé que la répression de gauche ressemble en tout point à celle de droite. Quand au droit de manifester, n’oublions pas qu’il ne s’use pas que lorsqu’on ne s’en sert pas.
https://renverse.co/infos-locales/article/le-droit-de-manifester-s-exerce-il-ne-se-mendie-pas-2733

#RenduProcèsRetraitespop2019

Un camarade lausannois est passé en procès en deuxième instance le lundi 28 septembre pour avoir participé à l’occupation des Retraites populaires pendant la grève du climat du 15 mars 2019 à Lausanne. La justice a décidé de poursuivre 14 personnes même si les Retraites populaires n’avaient pas porté plainte. Etant mineur au moment des faits, il était le seul à comparaître lundi mais d’autres inculpés (adultes) seront jugés ces prochains mois (la date n’est pas encore connue). L’audience de lundi dernier a été un grand moment de bien-pensance judiciaire, l’un des juges a comparé l’occupation au fait “d’enterrer son voisin au fond du jardin” après une dispute. Quant à la procureure, elle a appellé à “résoudre la crise climatique de manière légale” et a dépeint ce camarade comme un délinquant climatique endurci qui suivait des formations en désobéissance civile. Puis, à l’issue de l’audience, elle a poussé le cynisme jusqu’à aller le féliciter pour son engagement. La peine de 6 demi-jours d’intérêt général du tribunal des mineurs a ainsi été confirmée. Solidarité !

#ProcèsMalagnou2018

Il y a deux ans, la maison collective du 154 route de Malagnou était menacée d’expulsion par l’Etat de Genève et plusieurs manifestations ont eu lieu sous la houlette de ladite maison et de la coordination “Prenons la ville”. Le vendredi 9 octobre prochain, 6 personnes vont passer devant la justice pour une “manifestation non-autorisée” du 6 mars 2018 quand elles ont voulu organiser une rencontre fortuite avec le conseiller d’Etat Serge Dal Busco (PDC), politicien en charge du dossier.

Le retour à la normale, le droit à la ville et ses contradictions: L’exemple de la Caserne des Vernets à Genève

Le retour à la normale, le droit à la ville et ses contradictions: L’exemple de la Caserne des Vernets à Genève

Retardé de quelques mois en raison de la crise du coronavirus, la presse nous apprend vendredi 12 juin 2020 que l’État a approuvé le méga-projet controversé d’urbanisation du site la caserne des Vernets (1), fer de lance de l’urbanisation de tout le quartier Praille-Accacias-Vernets (PAV) (2). Que nous apprend la continuité du développement urbanistique sur le régime politique dans lequel on vit? Et comment nous pourrions le changer?

 

«  Ce projet et les oppositions qu’il suscite font ressortir une des contradictions majeures que nous vivons à Genève qui existe entre les utopies de la Ville désirée et la réalité de celle qui est imposée. « 

Le projet d’urbanisation de la Caserne des Vernets est dénoncé comme étant une aberration de bétonnage et de sur-densification que nous paierons pendant des générations. De nombreuses voix, et parmi elles, celle du Collectif des associations d’habitant.e.s de quartier, ont démontré l’impact néfaste de ce projet par des arguments que l’on peut relire ici.

Ces arguments, que ce soit la perspective d’une tour massive de 86 m, la part basse de logement à loyer bon marché sur un terrain public ( – de 22 % de ces logements type « HBM »), la coupe de 108 arbres et de la perte de la possibilité d’un parc en pleine terre, aussi pertinents soient-ils, ne doivent pas occulter le fait qu’il ne s’agit pas seulement d’un débat d’options architecturales.

En extrapolant un peu, il est possible d’en tirer une analyse générale de notre contexte politique et esquisser des réflexions propres à nourrir notre pratique militante.

Ce projet et les oppositions qu’il suscite font ressortir une des contradictions majeures que nous vivons à Genève qui existe entre les utopies de la Ville désirée et la réalité de celle qui est imposée.

Qu’est-ce que la Ville et qui nous la confisque ?

 

La Ville est une utopie démocratique qui est condamnée à décevoir en raison du fait qu’elle est confisquée par une autorité technocratique déconnectée du commun, de la majorité des gens.

On pourrait désigner cette autorité comme un « complexe de gouvernance urbaine ». Ce dernier est d’abord un binôme composé de l’État et des promoteurs immobiliers (cette espèce particulière de capitalistes du béton – le géant français Bouygues pilote la construction des Vernets). Mais ce binôme est aidé par des acteurs qui rendent acceptable le projet en le maquillant d’un verni d’activités socialement utiles. Ces dernières masquent des choix politiques catégoriques fondés sur le culte du profit privé. On connaissait les caisses de pensions et les fondations publiques, mais il faut également citer les désormais inévitables Coopératives (Cigüe – logement étudiant et Codah) (3) ou les acteurs culturels (ARVe ou Ressources Urbaines, pour l’occupation transitoire du chantier).

De tout le dispositif, l’argument de la création de logements est le plus massif. On peut démonter le mensonge de cet argument dans chaque cas, mais il faut bien reconnaître qu’il est très efficace de l’invoquer pour disqualifier toute opposition au développement urbain imposé actuellement. On se contentera de relever, pour l’heure, que ce mode de gouvernement par la « crise » – ou la pénurie organisée de logements – avance masqué, empêche le débat et qu’il est de ce fait antidémocratique.

Le croissance urbaine capitaliste et les résistances qu’elle produit

Si la plus grande part de notre existence est régie par cette gouvernance de soft-dictature, elle s’impose avec fracas dans le cas de l’aménagement de parcelles publiques. C’est proprement fracassant de voir notre environnement transformé par les grues, le béton et les embouteillages, sans que les chiffres de milliers de demandeurs.euse.x.s de logements sociaux ne baissent significativement depuis dix ans.

Derrière l’urbanisation de la caserne, il y a un projet de croissance de la ville par l’extension des activités tertiaires, soit l’économie des services. Cette croissance suit une tendance mondiale qui est très marquée à Genève depuis la fin des années 1990. On peut nommer cela métropolisation (4).

La métropole suit l’investissement massif dans le bâti qui est, d’une part, une conséquence du développement des besoins d’infrastructures de production et de consommation à toujours plus large échelle et, d’autre part, une technique éprouvée par le capitalisme pour résoudre ses crises, en absorbant le surplus de capital (5). Dans le cas suisse, l’investissement immobilier est souvent désigné comme valeur refuge. Si les banques ont vu leurs petits secrets mis à mal ces dernières années, la Suisse et Genève restent en bonne place pour être un coffre fort mondial. Les lingots sont de bétons et il n’y même pas besoin de les cacher: ils dresseront bientôt leurs ombres de 86 mètres sur le quartier populaire de la Jonction.

La course infinie et absurde au profit attaque le bien-vivre en ville, mais pas seulement. À une échelle plus large, c’est une évidence de plus en plus partagée que le développement de l’industrie et de l’urbanisation pourrait remettre en cause de nombreuses vies humaines sur terre en raison du changement climatique qu’elle induit.

C’est également presque un lieu commun – d’un point de vue critique et militant – de dire que les autorités que nous sommes censé.e.x.s désigner de manière élective sont toutes dépendantes d’un système de concurrence entre les collectivités publiques, pour attirer des entreprises privées et leurs mannes fiscales (6). Elles n’ont d’autre choix que de vendre les biens communs aux plus offrants, comme en témoigne le projet de la caserne ou encore l’octroi de forfaits fiscaux à des sociétés de tradings (7).

Une narration réactionnaire

 

Néanmoins, la question du manque de qualité de vie urbaine fait perdurer une contradiction relativement constante avec le développement et la croissance. Elle tend à s’exprimer par des oppositions politiques puissantes, mais qui ont toutes en commun de pouvoir s’étouffer rapidement dans une narration réactionnaire. A titre d’exemples, le 9 février 2020, un vote a eu lieu contre le déclassement des zones villas de Cointrin/Meyrin. Ce résultat est sorti des urnes contre l’avis de l’ensemble de l’establishment politique. On pourrait facilement dire de ce vote qu’il n’est que l’aspiration d’égoïstes parvenus, propriétaires de villas, ne voulant pas partager leur environnement avec les moins-bien-logé.x.e.s (8). L’autre face de la même pièce est la question des zones piétonnes ou la mise en place de pistes cyclables élargies nous est présentée comme l’opposition entre cadres privilégié.e.x.s du centre-ville, contre prolo-frontalier-petit-indépendant-du-bâtiment-en-camionnette (9).

La crise et le futur de la métropole genevoise

 

La contradiction qui tourne autour de la ville et de son développement a été mise entre parenthèses par la crise du coronavirus. On a assisté, ébahi.e.x.s, à l’arrêt (temporaire) des chantiers qui font croître Genève et, plus généralement, d’une coupe difficilement imaginable dans les flux de personnes, d’argent et de marchandises qui la traversent et qui en constituent pour bonne part de la réalité des rapports de production.

L’état de sidération passé, on fait face a un presque tout aussi surprenant retour aux affaires courantes depuis trois semaines. La Banque cantonale genevoise nous vante déjà la « résilience » de l’économie suisse face à la crise mondiale (10). L’économie semble avoir bel et bien repris ses droits (11).

Back to business donc, les grands projets repartent. Ça ne veut pas dire que la crise n’a aucunement changé la donne. Mais il n’y aura vraisemblablement pas de rupture rapide avec les schémas de « développement » de la ville et ses caractéristiques.

Par ailleurs, du point de vue du système capitaliste, les crises peuvent être des moments salvateurs de purge d’acteurs surnuméraires par l’exacerbation des jeux de la concurrence. Il a été relevé plus haut que les villes étaient aujourd’hui des acteurs économiques qui se faisaient concurrence entre elles. On peut faire l’hypothèse que la présente crise va écarter les maillons plus faibles au profit d’autres.

Cela signifie que, d’un point de vue géographique, quand bien même la crise qui suit la pandémie est mondiale, elle ne va pas se déployer partout de la même manière. Elle pourrait même apporter ici et là prospérité (toujours du point de vue du système capitaliste et de ses classes dominantes). Elle pourrait ainsi exacerber des fractures territoriales et mondiales, en suivant vraisemblablement les sillons déjà tracés par les relations impérialistes au niveau mondial et les fractures existantes à une échelle locale.

Dans ce contexte, l’économie qui fait les rapports de production à Genève possède certaines fragilités notamment liées à sa dépendance aux voyages de personnes et à l’instabilité croissante des prix des matières premières (12). Cependant, Genève et son projet métropolitain restent toute de même bien placés dans le contexte du système-monde, en raison du franc suisse, du pacte social très puissant et de ses investissements en infrastructures. On peut donc faire l’hypothèse qu’elle ressortira gagnante de l’épuration inter-métropoles sans pour autant que ses classes dominantes ne se privent d’une épuration interne de classe. Cette dernière passera vraisemblablement par un énième assaut sur la main-d’œuvre migrante et par la contraction de l’État social au nom de la dette. Le paradoxe reste qu’une bonne part de la dette publique provient directement de l’expansion urbain des ces dernières années.

À nous d’en prendre acte. La métropole, ses flux et leur croissance vont ainsi continuer de fonder les caractéristiques du système économique et du régime politique qui gouvernent nos vies dans le contexte genevois.

Une force d’opposition et ses militant.e.x.s devraient toujours avoir les contradictions que ces produisent à l’esprit, car c’est partant de ces contradictions et en tentant de les approfondir qu’on peut creuser les failles du régime.

De la contradiction au rapport de force

 

Nous voulons traduire les contradictions par un rapport de force, qui lui-même ne peut que provenir d’une lutte.

Le fait d’ancrer une lutte dans un territoire – pare exemple la défense d’une zone – nous donne parfois un avantage tactique décisif. L’avantage provient notamment du fait que ce genre de conflit s’inscrit dans la durée et a un caractère tangible et donc plus facile à transmettre.

La Caserne est un exemple de grand projet nuisible qui s’impose à nous. Contesté, il incarne les contradictions susmentionnées. Le projet s’inscrit sur un territoire qui est par essence commun : le sol qui plus est propriété de l’État.

De la lutte contre ce projet, comme les autres qui suivront, doit éclore l’idée que nous avons le droit de décider collectivement ce qui doit être fait dessus. À partir de ce droit, on peut exprimer un refus : refuser l’état des choses imposé par diverses formes de protestations ou de blocages à même de retarder les projets et infliger de vrais dégâts économiques, voire jusqu’à susciter leurs abandons.

Les luttes à mener avec ces objectifs en tête peuvent l’être dans tous les quartiers. Elle est la meilleure manière de se distancier de la narration réactionnaire qui se superpose aux résistances à la croissance capitaliste de la ville. Toute lutte populaire qui permet à des gens animés par un désir de vivre et de prendre leur destin collectivement en main est bonne à mener.

Qu’en est-il du programme politique de transformation sociale qui pourrait naître de tels rapports de force ? Le définir à l’avance est toujours un exercice périlleux. Mais il semble nécessaire de s’adonner à l’exercice, tout en sachant que c’est en définitive le déroulement des luttes qui façonnera le monde auquel nous aspirons dans lequel il fait « bon vivre », – pour détourner à notre avantage le discours des autorités. En l’état, alors que l’opposition au développement urbain est embryonnaire, on devra se contenter d’une esquisse. Une esquisse de programme pourrait être de se donner l’objectif d’obtenir, quartier par quartier, des comités de transition écologique et sociale. Ces derniers devaient impérativement avoir un réel pouvoir et des budgets significatifs pour redessiner la ville que nous voulons. Ils devraient également fonder la structure d’une force d’opposition où des personnes puissent se retrouver, se reconnaître et construire leur puissance.

 

Notes de bas de page

 

(1) Feu vert pour le megaprojet des Vernets.

(2) Selon les autorités genevoises : « Le grand projet Praille Acacias Vernets (PAV) situé sur les territoires des villes de Genève, Carouge et Lancy, représente le plus grand potentiel de logements du canton et une opportunité de développement unique au cœur de la ville. Il s’agit de transformer la plus vaste et ancienne zone industrielle et artisanale genevoise en un quartier urbain mixte où il fera bon vivre et travailler. » Lire ici.

(3) Toutes ces entités de taille et au pouvoir très disparate, allant de géants du BTP ou de l’assurance avec des coopératives étudiantes sont regroupées dans un holding dont appellation « Ensemble » ne manque pas d’ironie.

(4) Pour un usage de ce concept, voir l’ouvrage de Guillaume Faburel, Les métropoles Barbares, éd. Le Passager Clandestin, 2018.

(5) Pour une description du phénomène qui est étudié depuis longtemps par la géographie critique, on pourra lire David Harvey, L’urbanisation du capital.

(6) Sur ce système, on lira: Benoît Bréville, Quand les grandes villes font sécession.

(7) Au mois de février 2020, l’exonération fiscale pour 10 ans d’une société de négoce matières premières votée par le Conseil administratif de gauche de la Ville de Genève avait provoqué un léger malaise. Lire ici.

(8) Cette position est résumée par la plume du journaliste et maître à penser de la réaction genevoise Pascal Décaillet dans GHI : Genève, contrôle ta croissance!

(9) Le même idéologue nous dit : [«Singulière période, où le prolétaire se déplace en voiture, et où le bobo urbain jouit de l’horizontalité silencieuse des pistes cyclables. »

(10) L’économie suisse pourrait surprendre par sa résilience.

(11) Selon la formule du Centre patronal vaudois qui a fait le buzz. Lire ici.

(12) Le Temps – Les quatre piliers de l’économie genevoise.

Radio Silure n°3 – Covid-19, lutte de classes et crise de la mondialisation

Radio Silure n°3 – Covid-19, lutte de classes et crise de la mondialisation

Troisième émission de Radio Silure, autour du texte  texte Covid-19 et au-delà du groupe italien Il lato cattivo, diffusée en direct le 26 juin 2020.

« Non sans rapport avec le point précédent, la propagation et les conséquences de Covid-19 mettent en évidence les limites de la subjectivité libérale, l’individu souverain de sa propre volonté et titulaire de son propre corps. Face à la contagion ou à son risque, pour soi-même et pour les autres, les principes du « je fais ce que je veux » ou du « mon corps m’appartient » montrent toute leur relativité. »

L’émission débute par un petit montage sur les « colères déconfinées » et la manifestation historique du collectif Justice pour Adama le 2 juin dernier à Paris. Introduction au texte Covid-19 et au-delà du groupe italien Il lato cattivo. Explication du déroulement de l’émission, écoute d’un premier extrait, Il lato cattivo et l’étude du rapport social capitaliste en perspective. L’émission revient sur quelques éléments et affirmations de ce texte (écrit à chaud à la fin du mois de mars). Nous avons ensuite écouté d’autres extraits et discuté de la mondialisation et de la « démondialisation », de cycles de lutte et des différents modèles de gestion capitaliste qui se présentent aujourd’hui dans le cadre de la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine. Nous avons aussi tenté de répondre aux questions posées dans une ambiance décontractée.

Bibliographie indicative

 

Chuang [revue], Contagion sociale Guerre de classe microbiologique en Chine, traduit de l’anglais, 2020, en ligne sur dndf(point)org

Collectif, « Incidents de classe en Chine : les travailleurs chinois contre le capital mondial au XXIe siècle », 2010, en ligne sur infokiosques(point)net

Pierre Dockès, « Marx et les crises » in: Renaud Chartoire, Dix questions sur le capitalisme aujourd’hui, Auxerre : Éditions Sciences Humaines, 2014

Sylvie Kaufmann, « La Commission européenne appelle enfin un chat un chat et la Chine un “rival systémique” », Le Monde, 20.03.2019, en ligne

Robert Kuttner, « Steve Bannon, Unrepentant », The American Prospect, 2017, en ligne (non traduit)

Inderjeet Parmar, « Will Stephen Bannon’s Return Accelerate Trump’s Deconstruction? », The Wire, 2020, en ligne (non traduit)

Niki Saval, « Globalisation: the rise and fall of an idea that swept the world », The Guardian, 14.07.2017, en ligne (non traduit)

Raffaele Sciortino, I dieci anni che sconvolsero il mondo : crisi globale e geopolitica dei neopopulismi, Trieste: Asterios editore, 2019

Roland Simon, « Le concept de cycle de luttes », 2008, en ligne sur libcom(point)org

Théorie communiste, « Problématiques de la restructuration » in: Théorie communiste, no 12, 1995, en ligne sur libcom(point)org

Thomas Frank, « Et le « New York Times » imagine notre avenir », Monde diplomatique, juillet 1999

Rob Wallace & al, « Covid-19 et les routes du capital », traduit de l’anglais, 4.04.2020, en ligne sur Contretemps.eu

Wallmapu. Prisonniers politiques mapuches au Chili

Wallmapu. Prisonniers politiques mapuches au Chili

La pandémie a atteint un niveau mondial. En Araucanie, des voix s’élèvent aussi pour réclamer des mesures de protection derrière les murs des prisons. Aujourd’hui, le peuple mapuche, historiquement criminalisé des deux côtés de la Cordillère des Andes, demande la protection de ceux qui sont privés de leur liberté pour avoir défendu leur territoire ancestral. Depuis les prisons de Temuco et d’Angol, en préventive ou condamnés, ils demandent que leur droit à la vie soit préservé face à la pandémie.

Cet article est le quatrième de la série « criminalisation et punition en prison, sous Covid 19 ».  Il a été écrit par  Vivian Palmbaum de Marcha Noticias. Il se concentre sur les prisonniers politiques mapuches. Le peuple mapuche vit de part et d’autre de la Cordillère des Andes au Chili et en Argentine. Les communautés de cette région se sont engagées dans des processus de récupération des terres pour reprendre leur territoire ancestral – Wallmapu – aux grands propriétaires. Elles ont été confrontées à une campagne de menaces, de harcèlement, de répression et de violence de la part de l’État, de grands propriétaires terriens et de sociétés multinationales qui cherchent à occuper ce territoire économiquement rentable et stratégiquement important. Souvent, la lutte des Mapuches pour rester sur leurs terres est classée comme du terrorisme. De nombreux dirigeants mapuches ou lonkos, ainsi que des membres de la communauté, ont subi cette répression et plusieurs d’entre eux purgent de longues peines dans des prisons chiliennes.

Le 11 septembre 2018, le Mapuche Lonko Facundo Jones Huala a été extradé d’Argentine vers le Chili. Cela alors que la Commission des droits de l’homme des Nations Unies avait demandé un sursis à l’extradition pendant que des experts indépendants examinaient le dossier. Ainsi, en se conformant à la demande chilienne et en extradant Huala, l’Argentine a violé le droit international. L’État chilien a accusé le chef mapuche d’avoir allumé un feu dans un lieu habité et d’être en possession d’une arme non conventionnelle. Huala a également été victime de persécution judiciaire en 2015, quand sa communauté a entamé un processus de récupération des terres contre le groupe millionnaire italien Benetton.

« Que le gouvernement ne se trompe pas, les prisonniers politiques mapuches ne sont pas seuls. »

Temuco

Les membres de la famille, les amis et le réseau de soutien de Machi Celestino Córdova (Machi est un leader spirituel dans les communautés mapuches) ont dénoncé le 25 avril le refus du gouvernement de protéger la vie et l’intégrité physique des prisonniers mapuches face à l’avancée rapide du covid-19. Dans ce contexte, la gendarmerie chilienne a laissé entrer un fonctionnaire dans l’institution, dont la situation sanitaire quant au covid-19 était évaluée, afin qu’il puisse rencontrer Facundo Jones Huala et d’autres prisonniers de la prison de Temuco. Selon leur communiqué, deux jours plus tard le Lonko (chef mapuche) a été séparé du reste des prisonniers mapuches. Finalement, les résultats des tests par écouvillonnage effectués sur Facundo Jones Huala sont revenus négatifs et il est resté en isolement préventif pendant 15 jours.

Le Comité pour les prisonniers des peuples indigènes, en Argentine, a publié un communiqué dans lequel il demande à l’État argentin d’entreprendre des actions pour rapatrier Facundo Jones Huala qui est emprisonné au Chili. Dans ce document, ils dénoncent les « actions criminelles du gouvernement de Sebastián Piñera » et appellent à la solidarité internationale face à la situation injuste de discrimination dont souffre le peuple mapuche. Le lonko Facundo Jones Huala a été extradé d’Argentine vers le Chili et condamné avec de faibles preuves, sur la base de suppositions, la création de l’ennemi facilitant ensuite l’appropriation de ses terres. Les terres de la Patagonie, des deux côtés de la frontière, possèdent des richesses naturelles incommensurables : eau, gaz, pétrole, entre autres. L’obstacle à l’exploitation de ces richesses, ce sont les peuples originaires.

Les communautés de plusieurs zones de récupération des terres mapuches se sont unies pour dénoncer le fait que le gouvernement chilien ne suit pas les recommandations des organisations internationales, comme l’ONU et la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), pour protéger la vie des populations incarcérées contre le danger auquel les expose la pandémie, en raison des conditions alarmantes dans lesquelles se trouve la population carcérale de la région. Les membres des familles et les réseaux de soutien ont manifesté en ce sens : « La CIDH rappelle aux États que toute personne privée de liberté sous leur juridiction a le droit de recevoir un traitement humain, dans le respect absolu de sa dignité, de ses droits fondamentaux, et surtout de sa vie et de son intégrité personnelle ».

Auparavant, dans un communiqué de la prison de Temuco, les prisonniers politiques mapuches avaient déjà dénoncé le fait qu’à ce jour, les seules personnes qui avaient été libérées grâce à l’excuse de la pandémie étaient « des personnes qui ont commis des crimes contre l’humanité et des crimes anti-mapuches comme le flic tueur qui a tué (Camilo) Catrillanca et les terribles agents de l’opération Ouragan ». « La vie du peuple mapuche n’a-t-elle pas d’importance ? » demandent-ils. Ils soulignent la décision politique qui les maintient enfermés, alors qu’ils ont rempli les conditions nécessaires pour bénéficier d’une libération permettant d’éviter le danger de la contagion. Ils étendent la demande à tous les prisonniers d’un système pénal qui déborde, comme dans toute la région.
 
De son côté, Machi Celestino Córdova a repris le 4 mai la grève de la faim qu’il avait suspendue le 20 mars, exigeant le respect de la convention 169 de l’OIT, qui se réfère spécifiquement aux prisonniers indigènes, avec les mêmes demandes de protection.

Angol

Depuis ce territoire, les communautés mapuches en résistance de Malleko ont dénoncé la discrimination dont sont victimes les prisonniers mapuches dans la prison d’Angol, ainsi que les mesures abusives dont ils font l’objet. Le 4 mai, les prisonniers mapuches de la prison d’Angol ont également entamé une grève de la faim pour exiger la mise en place de mesures de protection contre le danger de covid-19 dans ce contexte. Ils ont revendiqué la nécessité de « libérer les prisonniers politiques mapuches ou de passer à une mesure alternative à la prison, comme le stipule la Convention 169 de l’OIT, articles 8, 9 et 10, et compte tenu également de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples indigènes ». Ils demandent également la restitution des terres et la démilitarisation des territoires où sont toujours protégés les intérêts économiques des sociétés transnationales.

Dans le communiqué, ils appellent les différentes communautés en résistance à être attentives à l’injustice du gouvernement chilien à l’égard des prisonniers politiques mapuches de la prison d’Angol : « Que le gouvernement ne se trompe pas, les prisonniers politiques mapuches ne sont pas seuls ».

Droits des peuples

La situation a également obligé la CIDH à publier un communiqué le 8 mai, exhortant les gouvernements à adopter des mesures de protection pour les populations indigènes face à la pandémie. La Commission met en garde sur la situation de « vulnérabilité particulière des populations indigènes, en particulier celles qui sont volontairement isolées ». Elle rappelle la violation historique des droits qui pèse sur ces populations et qui se traduit par une situation d’extrême pauvreté par rapport au reste de la population non indigène.