Un jour, la police m’a arrêté pour séjour illégal parce que je n’ai pas les bons papiers. Comme je n’avais pas payé les jours-amendes imposés pour ce genre de délits, on m’a mis en prison à Champ-Dollon.

Témoignage récolté en avril 2020.

« Et tous les soirs, les gens tapent aux fenêtres, font du bruit… »

Un jour, la police m’a arrêté pour séjour illégal parce que je n’ai pas les bons papiers. Comme je n’avais pas payé les jours-amendes imposés pour ce genre de délits, on m’a mis en prison à Champ-Dollon.

A Champ-Dollon, des informations sur l’épidémie, on en a en regardant la télévision qui ne parle que de ça. Une fois, le directeur de la prison a fait une annonce sur la chaîne de télévision mais je n’ai pas écouté. Moi au début de l’histoire, je me disais : on s’en fout, nous, on est déjà confiné de chez confinés !

Ici, on nous donne un masque différent chaque jour. Et on doit le mettre dès qu’on sort de la cellule. C’est obligatoire. On a aussi du savon en cellule et un accès au lavabo. On nettoie la cellule comme on veut, mais c’est nous qui devons le faire. On doit se servir du savon qu’ils nous donnent. Pour ma part, je n’en ai jamais manqué. Les gardiens, eux, ont tous des gants et un masque et ils prennent leur température quand ils viennent travailler. Les visiteurs reçoivent eux aussi un masque. Les visites, il y en a toujours mais ça a lieu à travers une vitre. On ne s’entend pas très bien. Il faut crier. Ils parlent de mettre en place un téléphone au parloir, comme dans les films américains.

« Les nouveaux détenus qui arrivent sont mis en isolement 14 jours. A ma connaissance, personne n’est testé. »

En théorie, quand on est à Champ-Dollon, on a accès à un médecin. Ça n’a pas changé. Comme je n’ai pas consulté, je ne sais pas si le temps d’attente est plus long. L’infirmière elle passe comme d’habitude, tous les jours. Et on a accès aux médicaments comme d’habitude. Par contre, l’accès aux assistants sociaux a été supprimé. Le social c’est important ! Pour demander des aides, pour préparer sa demande de conditionnelle. C’est un gros problème ! On ne peut accéder à eux qu’en leur écrivant. Et en plus pour l’annoncer, ils ont mis des affiches. Ça a été un problème parce qu’il y a plein de gens qui ne savent pas lire.

Les ateliers ont tous, soit été arrêtés, soit ont été réduits. Les gens qui étaient occupés par une tâche sont à présent dans leurs cellules mais je crois qu’ils continuent à être rémunérés. En tout cas, ça n’a pas donné lieu à des protestations. L’équipe nettoyage, elle travaille encore plus.

L’aumônerie est fermée. Il n’y a plus de prière, le vendredi non plus. Il n’y a plus de sport. A la promenade, les jeux de balles sont interdits . Pourtant on ne peut de toute façon pas trop respecter les distances ! Mais on a les masques à la promenade.

Les nouveaux détenus qui arrivent sont mis en isolement 14 jours. A ma connaissance, personne n’est testé. Quatre personnes seraient malades du coronavirus selon les rumeurs. On dit qu’ils seraient dans un étage spécial mais on ne sait pas grand chose.

« Les 3 et 4 avril 2020, j’ai entendu des tirs. Je pense que c’était des flashballs ou un truc comme ça. »

Il y a un mouvement de protestation à la prison. Les prisonniers demandent à être libérés à cause de l’épidémie. Avant le vendredi 3 et samedi 4 avril 2020, il y avait déjà eu des actions. Il y avait déjà eu un refus de rentrer à la promenade. Il y avait eu aussi une personne qui est montée sur les grillages, je ne sais plus quand c’était exactement. Ce n’était pas pour s’évader. C’était une action de protestation ! Le type est monté jusqu’au barbelé en haut du grillage. Il s’est blessé dessus. Je n’étais pas là, mais j’ai entendu. Et après coup, j’ai vu des traces de sang par terre. J’ai entendu dire qu’il a été mis 10 jours au cachot pour ça.

Les 3 et 4 avril 2020, j’ai entendu des tirs. Je pense que c’était des flashballs ou un truc comme ça. Quand il y a des mouvements de protestation, c’est l’habitude que les gens refusent de rentrer en cellule, les gardiens débarquent avec des bombes lacrymogènes. Cette fois, je ne crois pas qu’ils les aient utilisées. Ils les montrent ostensiblement pour faire peur. Toutes les personnes qui ont participé à la manifestation du vendredi 3 avril ont été mises au cachot pour 10 jours. C’est beaucoup ! Il y a même un détenu qui a été mis au cachot pour avoir simplement parlé durant la promenade. Il proposait aux autres détenus de faire une manifestation. Les gardiens l’ont entendu. Il a été mis direct au cachot, juste pour ça.

Une autre chose a changé depuis les manifestations : les repas. On les prend toujours en cellule, mais maintenant ils nous donnent uniquement des barquettes. Ce qui leur permet de nous les passer directement à travers la porte. Avant, ils ouvraient la porte et une personne avec le chariot repas nous servait. C’était mieux parce que tu pouvais demander un peu plus de ceci, un peu moins de cela. Maintenant ce n’est plus possible. T’as juste la barquette, déjà préparée.

Au début de l’épidémie, je n’avais pas vraiment observé de changement d’attitude de la part des gardiens. Mais depuis la deuxième manifestation, celle du samedi 4 avril, les gardiens sont sur le qui-vive. Ils ont doublé la garde aux promenades. Ils nous fouillent systématiquement avant de sortir à la promenade. Tout le monde y passe. Les gardiens ont des gants pour nous faire une fouille corporelle. La durée de promenade reste la même : une heure par jour. Ils ont en revanche changé les horaires parce qu’il y a plus de groupes. Le nombre de personnes est limité à 20 personnes à chaque promenade. C’est moitié moins que d’habitude. C’est étalé dans l’après-midi. Ils séparent les détenus d’origine albanaise du reste du monde, ça ils le faisaient déjà avant. Les manifestations ont eu lieu aux promenades des Albanais. Je pense que la limite de 20 personnes c’est pour pouvoir gérer en cas d’émeute. En même temps, je ne sais pas s’ils auront assez de place au cachot si ça continue.

Les gardiens font l’appel devant les cellules. Ça, ils ne le faisaient pas avant les manifestations du 3 et 4 avril. Les gardiens débarquent à la porte de la cellule, à trois ou quatre, avec des lampes. Ils nous appellent par nos noms, alors qu’ils savent très bien qu’on est là. C’est fait pour nous intimider…

Parmi les prisonniers tout le monde parle de faire des nouvelles manifs ! Et tous les soirs, les gens tapent aux fenêtres, font du bruit…